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Christine FÉRET-FLEURY


Comédienne de Molière
Journal d’Armande, 1658-1661




Quand Armande Béjart, à 16 ans, commence l’écriture de son journal intime, le 3 juin 1658, les premières pages sont consacrées à sa petite enfance dans une ferme où elle a eu la surprise, un jour, de voir arriver une belle dame qui lui a dit : Je suis Madeleine ta sœur et je vais t’emmener avec moi.

Grand changement dans la vie de la petite campagnarde. Je ne connaissais rien du monde, il s'ouvrit à moi. Des villages, des églises, des fleuves, des châteaux, des montagnes et des vallées perdues, un déploiement sans cesse renouvelé de paysages et de visages, tout cela vu d'un chariot de comédiens ! Car la Dame appartenait à une troupe de joyeux compagnons qui sillonnaient les routes de France pour distraire les nobles, et parfois les villageois.

Avec la troupe de Molière, la petite Armande a beaucoup voyagé, elle a appris à lire, écrire, compter et découvert très tôt le théâtre, toute fière le jour où elle put lire toute seule une page du Cid de Corneille.

Ce journal intime est à la fois roman historique, roman d’amour et roman littéraire.

Roman historique quand Armande nous raconte son quotidien, les joies et les difficultés de la vie sur les routes de France au XVIIe siècle, les conditions d’existence en province, à Paris ou à Versailles, pour le peuple ou pour la cour royale. La troupe de Molière a connu la misère et l’opulence, l’errance et le succès, et Armande en a été le témoin privilégié.
Quelle ville étonnante que ce Paris où tant de gens vivent au coude à coude ! Je m'imaginais de larges avenues, de nobles perspectives, des palais, des jardins ; j'ai vu des rues étroites, boueuses et malodorantes, qui se terminent bien souvent en cul-de-sac.

Roman d’amour parce qu’à seize ans, le cœur connaît ses premier émois et que pour Armande seul Molière est digne de passion. Et là, rien n’est simple. La maîtresse en titre est sa sœur Madeleine et Molière, avec vingt ans de plus qu’elle, a plutôt l’âge d’être son père. Et ne le serait-il pas vraiment par hasard ? La mère d’Armande et Madeleine fait aussi partie de la troupe mais lui poser cette question n’est pas simple... Armande n’est pas de celles qui renoncent facilement à leurs choix, elle aime Molière et rien ne la fera changer d’avis !

Roman littéraire parce que nous vivons en direct le travail de Molière, ses essais, ses échecs et ses réussites, son évolution un peu contrainte vers un type bien particulier de comédie. Au début, seule la tragédie trouvait grâce à ses yeux et c’est elle qui a jeté les Béjart et leurs compagnons sur les routes du royaume : il y a quinze ans, quand fut créée la troupe de l'Illustre Théâtre, le désir de chacun était de briller à Paris. Molière n'avait jamais aimé l'état de tapissier ; la vie de boutique lui répugnait, de même que la charge royale qui y était attachée, toute prestigieuse qu'elle fût. Il avait donc réussi à persuader son père de le laisser suivre des études de droit à Orléans, où il obtint sa licence. [...] Mais il aimait trop la scène. Il rencontra Madeleine, l'aima et jeta ses maigres capitaux dans la flambée de sa passion. Ma sœur aussi, et ma mère risquèrent leurs économies dans ce projet mirifique, qui devait leur permettre de concurrencer (rien de moins) les célèbres acteurs de l'hôtel de Bourgogne.
C'est à cette époque que Jean-Baptiste quitta le nom de Poquelin pour adopter celui de Molière. Mais Molière s’est révélé un piètre comédien de tragédie. Heureusement, il avait un sens de l’observation aussi affuté que sa plume et, pour assurer le succès de la compagnie, il a peu à peu croqué les comportements dont il lui arrivait d’être témoin, se constituant une belle galerie de personnages et de situations qui font encore rire le public après plus de trois siècles.

En prêtant sa plume à Armande Béjart, Christine Féret-Fleury réussit un livre au plus près de l’intime de son personnage, permettant au lecteur de trouver sa place au milieu de la troupe de Molière, de partager le quotidien des comédiens et les angoisses de l’auteur. Les jeunes lectrices, notamment, n’auront aucun mal à s’identifier à cette adolescente timide mais déterminée qui va découvrir le théâtre et l’amour et connaître le succès dans tous les domaines.

En fin d’ouvrage, une partie intitulée Pour aller plus loin nous donne de nombreuses indications sur celle qu’on appelait Mademoiselle Molière et sur le théâtre du XVIIe siècle. Un livre aussi instructif qu’agréable à lire.

Serge Cabrol 
(26/06/15)    



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Jeunesse












Gallimard Jeunesse

(Avril 2015)
160 pages - 10,50 €

Dès 10 ans









Christine Féret-Fleury
a déjà publié plusieurs dizaines de livres, pour les adultes et pour la jeunesse.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia




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