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(j’y pense de plus en plus) J’envisage de te vendre (j’y pense de plus en plus) est un recueil de 12 nouvelles dont la première phrase, « L'autre jour, j'ai vendu ma mère. » (in Le désespoir des roses ), annonce la couleur : ce sera provocation et humour durant tout le voyage, attachez vos ceintures ! Effectivement dans cette société imaginaire construite en projection de la nôtre, loin d'être l'acte ignominieux d'un déséquilibré ou d’un psychopathe, cette pratique est monnaie courante pour démarrer sa vie d'adulte et s'affranchir de ses parents avec un pécule suffisant. Ce fils qui a pris soin de prendre avec elle le fauteuil où depuis toujours elle aimait à se reposer, gêné par le marchandage des clients potentiels, serait même un gentil garçon. Le déroulement de la vente (bienvenue dans le passé au marché des esclaves) s’avère par contre franchement odieuse. Les nouvelles suivantes, de la première (Dites-nous tout où une équipe de télévision vient filmer en direct un dépressif candidat au suicide) à la dernière (Les manquantes où épouses et filles doivent vivre cloîtrées chez elles sauf quand les jeunes filles atteignent l'âge de participer aux "rencontres" organisées pour les hommes en quête de femme (ce qui sera alors leur première et dernière sortie), nous projettent inéluctablement dans un avenir virtuel qui fait froid dans le dos. Bien sûr, dans ce jeu de massacre, la charge est sans nuances et outrancière : la société est sous l'emprise totale de l'économie (donc de l'argent et de la consommation), de l’hygiénisme et de la sécurité, les luttes de classes et de sexes y sont exacerbées et les personnages n'y sont plus que des pantins ayant perdu toute possibilité de choix et tout semblant de liberté individuelle. Si Frédérique Martin aime à tremper sa plume dans le vitriol, ses constructions impeccables, sa dynamique et son rythme narratifs, son aptitude à jouer sur différents registres de langage dans ses nombreux dialogues, son penchant à user du trente-sixième degré, de la provocation, des situations tragicomiques et des chutes tranchantes voire aberrantes, lui permettent de nous entraîner presque allégrement jusqu'au KO, en se payant même le luxe de nous en faire rire ou sourire. En quatrième de couverture, son éditeur qualifie ce livre de « recueil pur malt, sec et bien tassé » et il est vrai qu'à plusieurs occasions durant ma lecture, je me suis demandé jusqu'où cette "tueuse", qui n'a pas froid aux yeux (pour reprendre cette expression familière venue de nulle part qui m'amuse assez) et use du bazooka comme la marâtre du conte du fuseau, allait enfoncer son couteau dans nos plaies. Dominique Baillon-Lalande (23/02/16) |
Sommaire Lectures Belfond (Janvier 2016) 224 pages - 17,50 €
Bio-bibliographie sur le site de l'auteur www.frederique martin.fr |
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