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Aurélie de GUBERNATIS


L'impasse



Une psychiatre parisienne s'enfuit avec un patient pour éviter son transfert vers un autre hôpital où l'objectif serait moins de le soigner que de le maintenir sous l'emprise d'une mère abusive. Mais cet homme beau comme un dieu, venu se placer sous la protection d'Estelle, est-il un ange ou un démon ? Un long voyage à travers la France, émaillé de multiples péripéties, permettra de le comprendre, au terme d'un suspense machiavélique digne d'un scénario d'Hitchcock ou Chabrol.

Tout commence en mai 1995, au moment du concours d'entrée en septième année de médecine. Conformément à l'ordre alphabétique, Estelle Montaigne est assise à côté de Josselin de Montalban. "Ce n'est pas tant son physique de Kennedy junior qui me fascine que cette aptitude à collectionner les meilleures notes de la promo. […] Il ne sait pas que je l'observe depuis des années comme un animal de laboratoire. Il m'a toujours fascinée. Aucune envie de terminer dans son lit, mais plutôt dans son cerveau. Si je me laissais aller, je le trépanerais, le disséquerais. Comment obtient-il en une heure de travail ce qui m'en demande cinq ? S'il y a une injustice sur terre, il l'incarne."
Quand le sujet est distribué, Estelle s'aperçoit avec effroi qu'il porte sur la seule impasse qu'elle se soit permise dans le programme de l'année parce qu'elle a été malade plusieurs jours et n'a pas réussi à récupérer le cours.
La sortie n'étant pas autorisée pendant la première heure, elle se lance dans un texte hors sujet qui entraînera évidemment son échec à l'examen. Mais à la fin de l'épreuve, Josselin a un geste surprenant. "Soudain, sa main fait tomber par terre mes feuilles, qui se mélangent aux siennes. Il ramasse ses copies couvertes d'une écriture élégante et me les tend avec un sourire entendu. Je saisis avec précaution le paquet et remarque, ahurie, que mon nom apparaît dans le cache, en haut à droite. Je secoue la tête, je veux lui rendre ce qui lui appartient. Sans se préoccuper de mes gesticulations, il inscrit son nom sur mon devoir. Avec stupéfaction, je prends alors conscience qu'il a volontairement échangé nos copies."
Une fois sur le trottoir, il lui dit qu'elle mérite amplement de réussir, il met son casque, enfourche sa moto et disparaît de sa vie…

Dix-sept ans plus tard, elle est psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne et le Samu amène aux urgences un homme qui a fait une tentative de suicide par pendaison. Au premier regard, elle reconnaît Josselin de Montalban. Il va s'en tirer physiquement sans gros dégâts mais les raisons de son suicide ne sont pas réglées et Estelle sait ce qu'elle lui doit. Elle va donc chercher à comprendre…

La femme de Josselin s'est noyée alors qu'elle attendait leur premier enfant. Ce drame suffit-il à expliquer une tentative de suicide ? Estelle ne s'en contente pas et rencontre la mère de Josselin qui lui raconte une sombre histoire de malédiction. Tous les hommes de la famille mourraient l'année de leurs quarante ans, justement l'âge de Josselin. Estelle ne croit pas une seconde à cette légende. Madame de Montalban se montre alors agressive et, d'un coup de téléphone, obtient le transfert de son fils vers un autre hôpital.
Mais Estelle ne peut renoncer aussi vite. Elle embarque Josselin dans sa voiture et file vers le Sud…

En alternance avec le road-movie, nous découvrons divers personnages restés à Paris. David le mari d'Estelle, désespéré, jaloux de voir sa femme partir avec un autre, noie son chagrin dans le whisky, incapable de s'occuper de Tim, leur fils de huit ans. Agathe, l'amie d'Estelle depuis la fac, rencontre Xavier, l'ami de Josselin qui est miraculeusement intervenu au moment de la pendaison pour couper la corde. Ensemble, ils vont enquêter auprès de Mme de Montalban pour aider Estelle à comprendre ce qui se passe et faire émerger d'anciens secrets qui auraient pu motiver le suicide de Josselin. Un détective privé apparaît aussi sur cette affaire. Pour qui travaille-t-il ? Que cherche-t-il ? Un mystère de plus…

Estelle étant la narratrice du roman, nous suivons au plus près ses pensées exprimées à la première personne. C'est son regard que nous portons sur Josselin. Elle est partagée entre sa fidélité à son mari, son amour pour son fils et ce sentiment d'avoir passé dix-sept ans à attendre le retour de Josselin. Elle s'efforce de repousser l'idée d'être amoureuse de lui mais elle ne peut nier qu'elle lui doit sa réussite professionnelle et elle se sent prête à tout pour l'aider à exorciser ses démons, échapper à l'emprise de sa mère et à son désir de mort.

Mais nous voyons aussi, en parallèle, ce que découvrent Agathe et Xavier et les divers incidents qui amènent Estelle et Josselin à partir toujours plus loin, quittant chaque point de chute pour se lancer dans une nouvelle étape. Vers où ? Jusqu'où ? Pourquoi ?

Aurélie de Gubernatis réussit là un roman subtil et efficace, jouant sur une large palette de sentiments, alternant l'humour et l'émotion, tout en faisant monter la tension et l'angoisse d'un cran à chaque chapitre. Estelle est-elle en train de sauver Josselin ou de se perdre elle-même ? Suspense… Amateurs de romans noirs et de sensations fortes, pas un instant à perdre ! Vous regretteriez d'avoir fait L'impasse sur ce diabolique engrenage.

Serge Cabrol 
(16/04/14)    



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Noir & polar









Héloïse d'Ormesson
(Avril 2014)
384 pages - 20 €












Aurélie de Gubernatis,

née à Lille en 1969,
a été notaire avant de se consacrer entièrement à l'écriture. L'impasse est son troisième roman.