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Gildard GUILLAUME

Oser et brûler


C’est un étrange parcours que retrace ici Gildard Guillaume, le parcours d’un homme ayant réellement existé mais dont on sait peu de choses, seulement les grandes lignes de son existence : capitaine de dragons en 1780, moine et abbé au début de la Révolution, hussard de la République pendant la guerre de Vendée, fantassin dans les armées de Napoléon jusqu’à la retraite de Russie et même à Waterloo. De quoi nourrir un beau roman avec de fortes réflexions sur l’amour, Dieu, la guerre et la mort…

Auguste de Sallmard, comte de Montfort, est capitaine au régiment de Bourbon-Dragons et se définit lui-même comme libertin ; les premières pages nous le présentent d’emblée en galante compagnie. Bien rompu au métier des armes, il aime aussi la poésie (ce qui en séduira plus d’une et en surprendra plus d’un) et place avant tout le code de l’honneur, ce qui lui vaudra quelques inimitiés et provoquera indirectement les grands malheurs de sa vie.
C’est le cas avec le lieutenant Philippe de Samuzac qui n’a que faire des ordres ou des règlements lorsqu’ils entravent son besoin de violence et de cruauté. Le capitaine doit le rappeler plusieurs fois au respect des règles suscitant chez son subordonné une terrible haine.
Lorsque, pour la première fois de sa vie, le comte de Monfort tombe éperdument amoureux de la belle et espiègle Pauline de Crès-Barville, le lieutenant saura faire payer chèrement les humiliations subies. 

Foudroyé par la fin de sa grande histoire d’amour, le capitaine quitte l’armée et se retire dans une ferme isolée appartenant à sa famille depuis le XIIIe siècle.
« Ce que j'avais été avant de rencontrer Pauline devait disparaître. Mon statut d'officier, mes chevauchées à travers la campagne, les opérations de maintien de l'ordre, les ripailles, tout devait retourner au néant. Comme si cette vie-là avait fait corps avec ma bien-aimée, lui avait appartenu et était appelée à connaître le même sort. Peut-être désirais-je du plus profond de mon être rejeter loin très loin, les choses et les êtres témoins de cette tragédie ou qui avaient participé à l'inexorable tinte des heures vers cette fin dramatique. Sans doute espérais-je me convaincre que, responsable du drame, au moins en grande partie, je serais moins coupable si j'abandonnais l'existence qui avait conduit à la faute. Car coupable, je l'étais, et de manière évidente. Rien ne serait arrivé si j'avais adopté un autre comportement vis-à-vis de Samusac. »
La culpabilité, légitime ou non, ronge les hommes comme la mer attaque les falaises provoquant de nombreux effondrements.

Après quatre mois de cette retraite campagnarde, un prêtre passant par là va changer le cours de sa vie. L’abbé André Monnier lui raconte l’histoire de l’abbaye de Sept-Fons où une communauté de moines cisterciens a transformé un marais en vignoble, verger et terres cultivables. Un travail titanesque accompli par des hommes déterminés et généreux. Le prêtre s’y rend, Auguste de Sallmard propose de l’accompagner. Il s’y trouvera si bien qu’il y restera. Entré comme novice, il en sera nommé abbé par Louis XVI en 1788. Cette nomination n’est pas du goût de dom Xavier de la Croix qui en briguait aussi l’honneur et les privilèges qui y sont attachés. Sallmard se fait  alors un nouvel ennemi qui, comme Samuzac, saura un jour lui faire payer son humiliation.

La vie de l’abbaye est sérieusement bouleversée par la Révolution et dom Xavier de la Croix trouve là de belles occasions de revanche. Une fois encore, Sallmard se retire dans la solitude d’une ferme. Mais le goût de l’action et le sens du devoir sauront le faire sortir de son terrier.
« Je ne voulais pas émigrer, ni continuer à me cacher. Depuis avril 1792, mon pays était en guerre contre l'Europe coalisée, accumulait les revers ou les succès sans lendemain. Condamné à mort, victime expiatoire et cathartique de la colère nationale, Louis XVI venait de perdre sa tête sur une place qui portait, avant d'être débaptisée par le nouveau pouvoir, le nom de son grand-père. D'autres purifications étaient annoncées : le sang sacrificiel est toujours abondant. J'entendais vivre au milieu des hommes qui n'ont hérité de rien et sont seulement riches de l'avenir à construire. »
Et le voilà hussard de la République, étonnante reconversion pour un dragon du roi devenu abbé de Sept-Fons.

Mais sa vie est loin d’être finie puisqu’il a vécu jusqu’en 1823, ce qui lui a laissé le temps de se retirer pour écrire son autobiographie après la Révolution puis de s’engager dans les armées napoléoniennes, de survivre (dans des conditions extrêmes) à la retraite de Russie et à Waterloo pour terminer son existence dans une mansarde du centre de Paris.

Un parcours de courage et de bravoure, rendu chaotique par le chagrin et la culpabilité, un parcours dont l’auteur, à partir des grandes lignes connues des historiens, a rempli les vides par l’art de la fiction et donné vie à son personnage en respectant scrupuleusement la description des événements historiques et des conditions de vie à cette époque. Un travail d’historien et de romancier sans oublier la recherche des mécanismes qui peuvent expliquer les choix souvent extrêmes de ce personnage hors du commun. Un livre passionnant autour d’un homme complexe dans une période particulièrement troublée puisque, né et mort sous la monarchie, Auguste de Sallmard aura connu la Révolution et l’Empire. Une belle tranche de vie qui ravira les amateurs de romans historiques.

Serge Cabrol 
(27/07/15)    



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Éditions Thadée

(Mai 2015)
308 pages – 20 €








Gildard Guillaume,
né en 1949, avocat et historien, administrateur de l’Institut Napoléon, est l’auteur de plusieurs romans et essais historiques.







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