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Victor-Vong, dit VV, est un peintre métis franco-asiatique qui a déjà, du haut de ses trente-six ans, rencontré le succès et bénéficié de l’engouement des milieux artistiques parisiens, avant de s'en trouver exclu suite à une exposition trop provocatrice. Il part donc pour la première fois à Phnom Penh, avec en poche un projet qu'il pense consensuel et lucratif : 90 portraits de Cambodgiens anonymes pour célébrer le bientôt quatre-vingt-dixième anniversaire du monarque, Norodom Sihanouk, par une grande exposition nommée “Quatre-vingt-dix figures pour le roi”. Avec cela il devrait trouver un soutien logistique et financier du palais royal autant que de l'ambassade apte à financer son exil et lui permettre de se refaire une place dans les médias et le monde de l'art. Hélas, rien ne se passe comme prévu : le roi meurt et le procès des dirigeants khmers rouges en cours vient parasiter l'esprit de tous, journalistes comme élèves de l'atelier. C'est alors que le passé sanguinaire de son pays rattrape son histoire personnelle à travers certains secrets familiaux savamment gardés, et cela au moment même où il tombe amoureux d'une de ses élèves… Bien des complications en perspectives pour ce médiocre arriviste égocentré confronté à des choix décisifs pour son projet, son atelier et lui-même... Marc Trillard, journaliste qui vit aujourd'hui en Asie, explique ainsi les fondements de son roman : « J’ai vécu avec une certaine difficulté, pour employer un euphémisme, les deux grandes tragédies qui ont marqué la fin du siècle dernier, frappant d’abord l’ex-Yougoslavie, puis le Rwanda. À l’époque, nous avions les images et les dépêches d’agence et les rapports des ONG, nous savions et nous en avons été meurtris. Mais nous ignorions tout ou presque, vingt ans plus tôt, de ce qu’il était advenu au Cambodge entre 1975 et 1979. Effectivement ce roman poignant, dérangeant, édifiant et incandescent, flirte avec le reportage pour distiller en continu un questionnement universel sur la conscience des hommes et sur les délicates questions de la reconstruction de soi après l'horreur d'un génocide, du pardon ou du désir de vengeance, d'amnésie volontaire ou de recherche de la justice. Il s'interroge sur la racine même du mal, sur ses séquelles et (comme le fait Jean Hatzfeld pour le Rwanda) sur la réconciliation nécessaire mais contre nature entre bourreaux et survivants pour reconstruire le pays détruit. C'est aussi, non sans malice, les questions du fonctionnement du monde des arts face au système et de la place de l'artiste dans la société, à Paris, sous Norodom Sihanouk comme ailleurs, qui sont à travers VV, ni pire ni meilleur qu'un autre, également posées. Un livre terrible et passionnant, fait pour semer des interrogations aussi bien quant à l'itinéraire intérieur des bourreaux et des victimes d'un génocide, qu'aux questions générales de la résilience, de la conscience et de l'Art, qui se dévore sans fléchissement et laisse un parfum entêtant. Fascinant ! Dominique Baillon-Lalande (23/03/16) |
Sommaire Lectures Actes Sud (Janvier 2016) 288 pages - 20 €
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