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Dinaw MENGESTU


Tous nos noms



 La construction de ce troisième roman de Dinaw Mengestu, Tous nos noms, vous rappellera étrangement la construction d’un huis clos théâtral : un lieu, étouffant, une petite ville du Midwest, où tout le monde connaît les habitudes de l’autre, s’épie, flaire l’intrus. Une époque, troublée, celle où les États-Unis, aux prises avec la décolonisation, la guerre du Viet Nam, le racisme, et les luttes pour les droits civiques, vivent une fracture irréductible… Une action simple : une histoire d’amour, deux personnages aux prises avec leur milieu et leur destin.

 Tous nos noms ce sont deux noms, deux êtres, deux voix que tout oppose. D’une part, Isaac, un jeune homme, arrivé d’Ouganda, secret,  mystérieux,  heurté par la vie, dont il vous faudra recomposer le passé, peu à peu, et qui s’installe aux Etats-Unis pour un échange universitaire ; cependant ce n’est pas le vrai nom de ce jeune homme qui a fui une dictature sanglante et qui a dû abandonner un ami très cher... D’autre part, Helen, assistante sociale dans une petite ville du Midwest, chargée de l’intégration de ce jeune homme. Vous retrouverez ces deux voix qui se feront joliment écho au fil du récit, simplement mais de manière très discrète et qui donneront une profondeur au récit : ces deux personnages, en proie à leur passé, prisonniers de leurs angoisses, de leurs questions ;  deux êtres qui ne se seront jamais aimés autant que nous, dira Helen. Faute de monde extérieur pour nous ancrer dans le réel, Isaac et moi vivions nos moments d’intimité dans une réalité à part qui commençait et s’achevait derrière sa porte d’entrée.[…] J’avais bien  conscience que le tout petit univers qu’Isaac et moi étions en train de nous construire peu à peu pouvait s’évanouir facilement.

Cette histoire d’amour est touchante puisque Isaac et Helen se découvriront l’un l’autre mais se révèleront aussi à eux-mêmes dans ces monologues qui effleurent les sentiments et les situations.  Mais comment ce couple pourrait-il résister aux regards des autres, au poids du passé d’Isaac et au milieu dans lequel vit Helen ? D’où cette tristesse mélancolique qui donne au roman une tonalité si particulière…

Cependant, Dinaw Mengestu aborde bien d’autres sujets dans ce roman : l’histoire de ce couple croise l’histoire chaotique des Etats-Unis et amène le lecteur sur des sujets essentiels tels que la recherche d’identité ou l’intégration. Les questions soulevées ne seront pas neutres : comment peut-on vivre avec le poids d’un passé traumatisant ? Quelle part accorder au secret ? À la parole ? Ce roman nous invite donc à une réflexion, au-delà des clichés : en cela, il est profondément humain et réussi.

Sylvie Legendre-Torcolacci 
(17/09/15)    



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Lectures








Albin Michel

(Août 2015)
336 pages - 21,50 €


Traduit de l'américain par
Michèle Albaret-Maatsch





Dinaw Mengestu
est né en Éthiopie en 1978. Tous nos noms est son troisième roman chez
le même éditeur.


Bio-bibliographie
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