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L'histoire de deux amoureux, un homme et une femme, trentenaires solitaires
au temps d'Internet, de Facebook et des sites de rencontres. L'homme, qui a tout du parfait salaud, affiche d'emblée la couleur :
ce sera deux jours par semaine, du vendredi soir au dimanche midi, avec la télé
toujours allumée en bruit de fond, sans promesses et avec quelques soutiens
financiers de sa part à elle quand nécessaire. Les sentiments
au vestiaire ! Elle, qui n'a aucune vie en dehors de son travail, n'a pour amie qu'une collègue et ne fréquente que sa sur, mariée et mère de famille, qui s'oppose à elle comme une caricature de la normalité bien pensante et fataliste. Tous les ingrédients sont donc réunis pour qu'elle tombe sous le charme de la singularité, l'apparente franchise, l'assurance du premier venu. "Sans doute il existait des endroits plus poétiques qu'un kebab pour un premier rendez-vous mais à ce stade, il aurait pu l'emmener faire les poubelles qu'elle aurait trouvé ça exotique. Le cadre importait peu. Ce qu'elle retenait, c'était l'aventure, l'inattendu." Ils ne se voient que chez elle car l'énergumène qui protège
sauvagement son autonomie, sa tranquillité et son intimité, ne
souhaite pas afficher leur relation au dehors. Mais au bout d'un an de cette relation singulière basée sur les
dix règles ahurissantes que le mâle a édictées, Méline
amoureuse mais un peu lasse de sa goujaterie et de ses caprices qu'elle satisfait
sans regimber, voudrait bien passer à la vitesse supérieure. Quand
elle se jette à l'eau et ose parler sentiment, paniqué ou écuré,
l'un et l'autre sûrement un peu, Ziggy fait semblant de ne rien entendre
et se sauve. L'étape numéro trois sera, après les retrouvailles avec
un Ziggy transformé en gentil toutou, un ménage à trois
avec ses phases d'alternance. Puis, quand elle se lasse de ce jeu devenu routine et insatisfaction, la trentaine
se pointant, elle imagine, sur les conseils avisés de sa sur, un
subterfuge qui devrait l'aider à choisir celui avec lequel elle pourrait
envisager de continuer sa route. A partir de ce pitch peu alléchant, l'auteur nous offre un divertissement
jubilatoire, qui fait rire, souvent, s'étire un peu parfois, pour développer
avec désinvolture et humour les soubresauts d'un couple de la rencontre,
sur Internet bien sûr, à sa séparation. Les histoires d'amour
ne ressemblent-elles pas toutes aujourd'hui à des CDD et ne sont-elles
pas un bien de consommation comme un autre ? Les protagonistes sont certes caricaturaux, de l'enfant gâté figé dans une posture d'artiste génial et incompris qui se conduit avec une muflerie hallucinante, la chargée de communication falote et complexée par son physique et sa "normalité", des copains immatures de l'un à la copine de Méline qui s'imagine en maîtresse-femme et en manipulatrice en passant par Fabrice, le collègue qui s'avère d'une neutralité pathologique, tous ont pour point commun d'être un peu perdus, plombés par la solitude et en quête d'un autre (ou des autres) pour donner un sens à leur agitation. Une tragi-comédie mise en scène à la première personne
en de très courts chapitres, pleine de clichés et de références
populaires autant musicales qu'audiovisuelles, embarquée par un rythme
enlevé, baignée d'humour et jouant du sens du détail et
de la férocité du trait aussi bien que du clin d'il, qui
s'avère parfaitement désopilante et fort jouissive. Plus caustique
et plus profonde aussi, par la façon dont l'auteur détourne les
codes du genre et ancre son récit dans la société contemporaine,
que ce qu'elle pourrait sembler être. Ce roman s'inscrit dans la continuité de l'exploration générationnelle entreprise par l'auteur dans son premier roman (Libre, seul et assoupi). On y retrouve le même désespoir jubilatoire planqué derrière la désinvolture et la légèreté apparentes, la même acuité du regard porté sur l'absurdité et la vanité de notre société. La confirmation d'une vraie personnalité d'écrivain ancré dans son époque et porte-parole de sa génération. Allez-y voir. Les lectures qui déclenchent le rire du lecteur, en faisant se retourner sur lui les voyageurs des transports en commun, ne sont pas si fréquentes. Dominique Baillon-Lalande (25/03/14) |
Sommaire Lectures Au Diable Vauvert (Janvier 2014) 265 pages - 17 € Livre de poche (Février 2015)) 264 pages - 6,60 €
Découvrir sur notre site le précédent roman du même auteur : Libre, seul et assoupi Ce roman paraîtra au Livre de Poche en avril 2014, l'adaptation au cinéma sous le titre Libre et assoupi sera sur les écrans à partir du 7 mai. Voir la fiche du film (distribution, photos, bande annonce) sur le site commeaucinema.com |
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