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Guadalupe NETTEL


La vie de couple des poissons rouges



« De l'influence des animaux sur nos vies » pourrait être le sous-titre de ce recueil de cinq nouvelles dont le fil conducteur est l'interférence, plutôt maléfique, entre les personnages et les "bêtes" vivant à leur côté. Le spectre est large, du chat aux poissons rouges en passant par des champignons ou des cafards, mais l'influence certaine.

Dans la première nouvelle éponyme du recueil, un jeune couple va se déchirer à l'instar des "Betta splendens" appelés communément "combattants" que la jeune femme a tenu à installer dans un aquarium digne de ce nom après la mort d’Oblomov, leur vulgaire poisson rouge, tournant sans fin dans son petit bocal.

L'aquarium et ses habitants, un mâle agressif et une femelle craintive, vont petit à petit obnubiler la jeune femme enceinte – « Pendant ce temps, à l'intérieur de mon ventre, le bébé flottait dans le liquide amniotique » –, envahir toutes ses pensées jusqu'à la transformer complètement. À la manière du monstre de La métamorphose de Kafka ou de la présence envahissante d'Amédée ou Comment s'en débarrasser de Ionesco, l'animal, d'abord miroir du malaise des personnages, finit par les phagocyter, les faire imploser.

À des degrés moindres mais tout aussi inquiétants, on retrouve dans les quatre autres nouvelles ce même envahissement de la personnalité du narrateur qui va vivre en symbiose ou en opposition maladive avec des colocataires animaux.

Dans un style sobre mais minutieux où les situations et les sentiments des personnages sont observés à la loupe, comme l'entomologiste observe ses sujets d'étude dans la nouvelle Nos ancêtres des cafards, la narration, toujours à la première personne, fait surgir de la banalité du quotidien quelque chose d'insidieusement dérangeant pour devenir franchement inquiétant jusqu'à la folie...

La confrontation des personnages à un animal va développer chez eux le même trait dominant : agressivité ou fuite, instinct de procréation, effet clanique, autodestruction, jalousie criminelle... Ne grattons pas trop la fine pellicule de civilisation qui nous recouvre, la bête n'est pas loin !

Sylvie Lansade 
(18/06/15)    



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Lectures









Buchet-Chastel

(Avril 2015)
128 pages - 13 €


Traduit de l'espagnol
(Mexique)
par Delphine Valentin




Guadalupe Nettel,
née à Mexico en 1973, est l’auteur de plusieurs livres de contes au Mexique
et de trois romans.