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Ce roman nous est présenté sous la forme d'un récit qui
commence ainsi : En quatre grands chapitres le narrateur, César, va essayer d'expliquer
à son jeune enfant, Hector, qui était sa mère dont il est
privé à présent. Car le narrateur, journaliste est resté
seul avec son tout jeune fils après le départ de celle-ci. Il
le prévient néanmoins : La vérité, ça
n'existe pas, comme tous les absolus qu'on n'atteint jamais. Dans cette sorte de longue lettre, l'auteur va ainsi tenter de transmettre ce qu'était son amour pour cette femme et peut-être mieux comprendre ainsi leur histoire et ce qui a conduit cette artiste à quitter son mari et son fils. Pour essayer ensuite de découvrir quels ont été les évènements qui ont pu l'amener à venir mourir sur cette plage. Commence alors l'histoire. Avec ce coup de foudre. Le narrateur va ainsi tout au long son récit distiller ses réflexions.
Sur notre époque, sur l'art, sur le monde des artistes. Mes contemporains
travaillaient beaucoup, alors le temps les fuyait. Ils ne lisaient plus que
sur la plage, et comme ils n'avaient plus assez d'argent pour aller à
la plage parce que c'était la crise, ils ne lisaient plus. L'auteur ayant appris que sa belle photographe exposait et pour la rencontrer
se rend au vernissage. Elle exposait ses plages dans d'assez grands tirages
qui permettaient à l'il de se promener longtemps. Des plages méditerranéennes,
des criques adriatiques, où une foule de détails apparaissait
: une vieille qui tricotait des chaussettes portant des lunettes de movie star
des années 50. [
] Ainsi commence la lente construction d'un amour riche et dense entre deux personnes
passionnées. La photographe exigeante, implacable parfois, dure, dont
l'auteur tombe amoureux porte une faille qu'il nous laisse soupçonner
sans pour autant nous inviter à la deviner ou même à en
comprendre la force. Mais en racontant cet amour à son enfant, ses souvenirs
parfois bruyants, romantiques et joyeux, il nous dévoile aussi sa mélancolie.
Nous découvrons lentement les caractères qui vont s'affronter,
apercevant certaines obscurités dans des certitudes qui ne peuvent pas
se communiquer. Cette femme nous intrigue et nous nous surprenons à l'aimer
comme le narrateur. En allant même jusqu'à "juger" ou
interpréter sa façon de parler d'elle. Cela nous arrive par cette
écriture à la fois grave et intense, mais qui peut aussi être
légère et comme à distance. Cela nous prend parce que nous
voulons aussi comprendre jusqu'où cette vision de l'art, peut amener
cette femme à une recherche aussi absolue. La reconnaissance de son talent,
sa renommée grandissante dans le monde de l'art ne sont pas suffisants.
"Mes photos sont des bulles de savon. Des moments. Et les moments ne
durent pas." César ne veut plus quitter l'Europe, il ne veut plus couvrir les guerres
ou être témoin de drames, de tsunamis, alors que Paz, elle, voudrait
parcourir et découvrir des lieux inconnus. "Je ne respire plus
César. Vraiment. Je ne respire plus. A Paris je ne respire plus. A côté
de toi je ne respire plus
" Dans une sculpture creuse, un soir, après une fête où César
a cherché Paz pendant des heures et lorsqu'il l'a retrouvée :
Je la couche contre moi dans la clarté laiteuse. On reste longtemps
comme ça, serrés dans la tiédeur du ventre de la baleine.
Et puis nos corps se mettent en marche et c'est merveilleux. Je l'entends respirer,
je ne veux pas qu'elle parte. Il me faut la retenir, et à défaut
me faire un double d'elle. Comme on le dit d'une clef. Paz se prend soudain d'affection pour les requins-marteaux, animaux méconnus
et en voie de disparition. Je ne sais pas comment cette idée avait
pris racine en elle. Au point de l'obséder. Je ne sais pas d'où
surgissait cette subite passion pour les squales. Cela va être une
source d'inquiétude pour César, et de conflit entre eux. Prétexte,
symbole ? Nous commençons alors à percevoir ce qui pourrait nous
amener à la tragique fin de Paz. Prémonition ? Symbole ? La plongée
aurait-elle commencée ? On ne peut pas dévoiler la suite de cette histoire complexe et passionnante.
Les réflexions du narrateur sur le monde actuel sont aussi à découvrir
car imbriquées dans sa quête de réponses, dans sa recherche
de la vérité. C'est le mélange savant de cette écriture.
C'est parce que cette écriture sait tisser de l'intime dans l'analyse,
parce qu'elle laisse suinter la sensibilité, même lorsqu'elle a
recours à la description-reportage, que nous nous passionnons pour les
personnages, cette histoire et surtout que nous vivons avec. Anne-Marie Boisson (30/10/13) |
Sommaire Lectures Gallimard (Août 2013) 448 pages - 21 € Folio (Janvier 2015) 464 pages - 8,90 € Grand prix du roman de l’Académie française Prix Renaudot des lycéens 2013
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