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« C'est ici le pays du cheveu, de l'ongle, du soin à petit prix. On tend ses mains et ses doigts, on abandonne sa tête, on confie son apparence à ces boutiques qui ne brillent pas par ça, l'apparence. » Dans ce salon de beauté au cœur d’un Xème arrondissement de Paris, métro Château-d'Eau, un jour de février, le patron est parti avec la caisse sans payer leurs arriérés de salaires à ses sept employés. « Châ teau-d'Eau zone de non-droit, comme on dit des cités terribles. En plein cœur de Paris. Non-droit du travail. Non-droits humains. Sous le regard de tous. » Alors, Lin Mei (la "meneuse") et ses collègues, décidés à garder leur travail, occupent les lieux, poursuivant leurs activités de jour, mangeant et dormant sur place après la fermeture. Jusqu’alors Chinois et Africaines ne se côtoyaient pas vraiment : autre étage, clientèles séparées, fossé culturel et linguistique... Ils apprendront à cette occasion à se connaître. Ils ont tenu bon pendant soixante-quinze jours, jusqu'à la régularisation au compte-gouttes – pour tenter sans succès de les diviser – des sept employés. « Il y aura peut-être une autre boutique Quelques mois après cette grève, dans le même quartier, d’autres travailleuses sans-papiers ont suivi leur exemple. Sylvain Pattieu s’appuie sur l’histoire de cette lutte, dont les médias se sont fait écho, pour raconter en filigrane la mondialisation, les pays riches qui exploitent des travailleurs sans papiers dans des secteurs non délocalisables et aborde aussi par le biais des activités du salon, la commercialisation du corps (les cheveux, dans ce cas précis) des pauvres pour survivre. Si Sylvain Pattieu est aussi socio-historien et que ce livre a, par certains aspects, tout du documentaire sur une grève inscrite dans la réalité et non travestie ou transposée par l'auteur, nous sommes bien là devant ce qu'il appelle lui-même du "documentaire littéraire". Certes le huis clos du salon et la proximité (l'auteur résident du quartier s'est effectivement imprégné des lieux et des acteurs du conflit social) l'y aident, mais on s'éloigne bien ici de l'article journalistique ou de l'essai socio-politique par la complicité humaine qu'il parvient à établir avec ces femmes. Elles habitent littéralement les pages, avec leur combat certes, mais aussi leurs cultures, leurs histoires personnelles, leur famille restée là-bas, les souffrances qu'elles dévoilent avec pudeur, le caractère de chacune, et le lecteur finit par leur donner un visage, à avoir l'impression de les connaître, presque, intimement. Quelques portraits de clientes, aussi "exotiques" que les professionnelles, viennent compléter l'ensemble de façon assez amusante, parfois. Un récit de solidarité exemplaire, sympathique, utile, respectueux et chaleureux qui a le mérite de rappeler superbement que la lutte, ça se décline aussi au féminin et dans une France arc-en-ciel, que chacun est en droit, et se doit, de défendre sa dignité et que l'issue du combat collectif peut, parfois, être heureuse. Dominique Baillon-Lalande (06/02/15) |
Sommaire Lectures Plein Jour (Janvier 2015) 216 pages - 18 €
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