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Marie SIMON


Ce que j’appelle jaune



Une femme attend un enfant. Mais pour que cet enfant trouve sa place, sa jeune maman doit se libérer de tout ce qui entrave sa vie ; des traumatismes de son enfance, des abandons successifs par ses compagnons, de la honte que lui renvoie le regard de la société. Et c’est l’enfant à naître, principal narrateur du roman, qui s’adresse à sa mère et l’aide à reprendre sa vie en main.
 Pendant ces mois de dialogue, elle va se souvenir pour mettre mieux à distance :
« Faire le deuil d’être la fille de et la compagne de, pour être la mère de son fils. » Elle doit faire le deuil de sa mère inhumaine, de son père égoïste, de ses amants indifférents ou absents, du père de l’enfant qui la quitte à six mois de grossesse « on ne peut pas forcer un homme à être père ». « Les souvenirs dont elle se débarrasse remontent à la surface et l’enfant les attrape au vol. »

L’enfant à naître est aussi déterminé et fort que sa mère est indécise et fragile « comme faite de carton mouillé ». C’est donc lui qui va décider pour elle, lui qui va la consoler, la secouer, « je vais assurer l’intérim en attendant de la ranimer un peu ». C’est aussi un vengeur, un combatif : « je vais venir réparer les torts et remettre les compteurs à zéro » « de là où je suis, liquide, omniscient, déterminé, je savoure cette première victoire. Sous peu, je vais me pointer, et je serai le premier. Le héraut, le fils prodigue. J’entre et je reviens, heureux comme Ulysse. Je suis enfin chez moi. »

De là où  il se trouve, l’enfant à naître contemple sa mère, celle qu’il a choisie, celle dont il connait déjà la douceur, les émotions. « D’elle, je connais tous les bruits… je connais ses silences aussi. Toutes les voix et les couleurs… elle seule a une voix et toute une panoplie de bruits… c’est ce qui nous distingue et qui m’aide à me repérer. Ça et le fait qu’elle chante. Parfois pour moi, souvent pour elle… ces sons viennent de nulle part et le plus souvent restent seuls avec moi. C’est dommage qu’elle ne puisse pas venir ici, je sais qu’elle adorerait cet endroit. »
De là où il se trouve, il perçoit du monde des goûts, des odeurs et des lumières, ce qui donne lieu à des passages très poétiques.

Le style est serré, dense, bouillonnant, parfois irrespirable à l’image  de la canicule qui accompagne les derniers jours de cette dyade. La naissance sera un dédoublement ; « de jumeaux, ils seront bientôt fils et mère ». Ce sera aussi la renaissance de la mère.  S’agit-il d’une métaphore de l’écriture, comme le verbe  donne naissance à l’écrivain ? Au lecteur de juger.

Nadine Dutier 
(03/02/16)    



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Léo Scheer

(Janvier 2016)
204 pages - 18 €








Marie Simon,
a publié un premier roman, Les pieds nus, chez le même éditeur en 2012.