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Stéphanie CHAILLOU


Alice ou le choix des armes


Travailler devrait être une activité naturelle et épanouissante mais ce n’est pas toujours le cas et notamment pour Alice Delcourt, victime de harcèlement moral au travail par un supérieur hiérarchique, Samuel Tison, qui a été retrouvé mort assassiné.

« Oui, c’est ce qu’elle pense, maintenant que tout ça est passé, me dit Alice Delcourt.
Que si Samuel Tison a bien eu l'intention de la détruire, une intention nette et claire, inscrite dans le réel, avec les faits et les mots que cela impliquait. Faits et mots qui allaient produire des traces, créer des événements, produire des témoins aussi, du récit. Que si cette intention de la détruire a bien été réelle, décidée, planifiée, elle s'était trouvée alimentée, nourrie en quelque sorte, par autre chose qu'elle. Une pulsion moins claire, plus sourde, soumise à de plus obscures nécessités. Son besoin animal. Sa folie à lui. Sa nécessité. Qu'il n'y ait plus que lui. Qu'il soit là, seul, régnant. Qu'il demeure à jamais et aux yeux de tous, le seul régnant. »

Alice Delcourt, soupçonnée du meurtre, est interrogée dans un commissariat dans le cadre de l’enquête et ces entrevues deviennent le lieu où cette femme humiliée va pouvoir parler de ce long cheminement où elle s’est sentie détruite dans sa vie professionnelle et sa vie personnelle.

Le fonctionnement pervers du harcèlement est analysé avec précision par Stéphanie Chaillou qui montre comment peuvent dériver les relations humaines dans le monde du travail avec une terrible loi du silence de la part des dirigeants. Non seulement Samuel Tison harcèle les personnes qui travaillent sous ses ordres mais toute la hiérarchie le soutient en niant les propos qui le mettent en accusation. C’est la personne harcelée qui devient la source du problème.

Nous retrouvons à la fin de chaque chapitre quelques lignes sur le « théâtre d’Alice » qui crée son univers à elle souvent sous forme d’inventaire.

Les rencontres avec l’inspecteur de police qui mène l’enquête lui permettront de comprendre ce qu’a vécu Alice Delcourt pour en parler avec son propre supérieur hiérarchique : « Car – et j'expliquerai cela au commissaire – je sais ce que je veux apprendre de sa bouche. Mais pour cela il faut qu'elle me raconte, qu'elle m'explique. Non pas seulement comment Samuel Tison l'a harcelée, comment harceler quelqu'un. Cela nous le savons tous, n'est-ce pas monsieur le commissaire ? je dirai.
Les procédés sont bien connus, établis, identifiés même. La loi les décrit. Les managers les apprennent. Nous n'avons pas besoin de la jeune femme pour nous apprendre comment harceler quelqu'un. Mais qu'est-ce que cela fait de le vivre, de le sentir, ou de l'avoir vécu ?
Et cela, seule Alice Delcourt peut nous l'apprendre. Elle seule peut nous renseigner sur ce point. »

L’utilisation de la ponctuation permet de jouer avec la syntaxe pour renforcer le propos. C’est un thème très fort car le monde du travail a beaucoup évolué et des pressions de toutes sortes existent. La fiction permet de nous identifier à Alice et de ressentir ce qu’elle a vécu.     

Un très bel ouvrage avec l’écriture concise de Stéphanie Chaillou qui ménage le suspense jusqu’au bout et sait allier le rythme et les mots.

Brigitte Aubonnet 
(05/09/16)    



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Lectures









Alma éditeur

(Août 2016)
144 pages - 16 €












Stéphanie Chaillou
a publié cinq livres
chez Isabelle Sauvage.
Alice ou le choix des armes
est son deuxième roman.



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le précédent roman
du même auteur :
L’homme incertain