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Tournant les pages, on pense à Maurice Blanchot, on pense à Robert Walser. D’ailleurs, Alain Veinstein les cite. Ils sont ses amis, sa famille. Êtres de silence et de littérature, ce sont eux qui habitent l’auteur et qui l’aident à remettre à l’honneur ce que l’on voudrait nous faire croire désuets : le silence et la poésie. Fort heureusement, Alain Veintein veille à leur protection, pour le salut d’un lecteur qui vibre des retrouvailles avec un texte qui a de la voix. Il faut dire que l’homme de la radio était l’homme tout indiqué pour écrire un tel texte. Mais ce n’est pas l’homme de la radio qui nous écrit. C’est l’homme qui a perdu la radio et doit apprendre à vivre sans elle. L’écriture est son relais, son abri, la force encore vive qui le pousse à transcrire ces jours où il arpente le monde en tentant de faire ce deuil. Fiction ? Roman ? Journal ? Confession ? Le texte alterne entre ces différentes dimensions et si le lecteur veut démêler le vrai du faux ou le réel du fictif, il perdra le goût de suivre l’auteur. Lire Venise, aller simple, c’est entrer en communion avec un paradoxe : ne jamais savoir qui nous parle mais l’écouter. Écouter. Alain Veinstein l’a si bien fait durant ses années à France Culture. Dans des pages émouvantes, il écrit ses souvenirs, ses techniques. On se le rappelle comme l’intervieweur qui cherchait à faire surgir le tremblement des mots plus que leur écoulement. On le découvre ici chercheur de langue, dans la lignée d’un père qui préférait se taire plutôt que parler. « Pour lui, écrit Alain Veinstein, les mots n’étaient pas offerts à qui voulait les prendre, ils étaient à gagner à la suite d’un long processus d’intériorisation. » L’intervieweur en a fait son art. L’écrivain aussi, lui qui avance dans son texte en auteur patient qui ne brusque aucune phrase. Avec cette écriture délicate où fleure toutefois beaucoup d’humour et d’autodérision, Alain Veinstein a dressé la liste de ses jours d’après. Alternent des jours isolés, des jours sombres, des jours sans suite, des jours disparus, des nuits noires, des extraits de jours. À chaque jour ou chaque nuit son humeur et son fragment, le tout tenu par le fil de la mort qui se refuse à être mordibe. Alain veinstein nous en a en effet averti dès les premières pages : « Comme toujours, le début vient à la fin. » La fin de la radio lui a ainsi ouvert les voies du deuil mais également d’un renouveau, dont ce livre est sans aucun doute le commencement. Isabelle Rossignol (18/02/16) |
Sommaire Lectures Seuil (Janvier 2016) Collection Fiction & Cie 304 pages - 19 €
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