Retour à l'accueil du site





Mons KALLENTOFT & Markus LUTTEMAN


Zack


Un prologue mystérieux, que nous saurons apprécier à la fin, nous met en appétit pour ce roman en trois parties dont les titres, énigmatiques résumés, nous préparent en nous enchaînant à l’histoire. Nous voilà d’emblée dans les interrogations !

La première s’ouvre sous cette annonce :
« Là où il est question d’êtres oubliés qui meurent
de gueules de fauves affamés
et de ceux qui sont encore vivants et qui hurlent dans les entrailles de la Terre »
Ainsi conditionnés et intrigués, nous découvrons que l’action se déroule à Stockholm, en 2014.

 Zack Herry est un jeune policier qui travaille à « l’Unité Spéciale » de la brigade criminelle. On apprend assez vite aussi qu’il fréquente des lieux où la nuit, la drogue circule parmi son habituelle clientèle de chasseurs de paumés et autres consommateurs. Et l’on devine vite chez ce jeune flic, lié à un passé qui le tourmente encore, un mal-être qui s’exprime dans sa manière de flirter avec ces produits et leur danger assorti : « Tout à coup, il ne supporte plus la lumière du stroboscope. La sensation de légèreté procurée par la cocaïne s’est dissipée et Zack commence à se sentir oppressé. Une overdose de corps, de sueur, de désirs. » Contradictions chez un être que nous découvrirons brillant et  opiniâtre par la suite. Son histoire personnelle venant éclairer certains comportements et fournir des explications intéressantes sur son obstination ou son sens de l’honneur, par exemple.

Quatre jeunes filles travaillant dans un même salon de massage, viennent d’être massacrées dans l’appartement qu’elles occupaient ensemble : « Zack reste tétanisé. Il ne comprend pas ce qu’il a sous les yeux. On dirait qu’il contemple l’œuvre surréaliste d’un artiste illuminé qui aurait déversé des litres de peinture rouge sur son tableau. Les pires toiles de Francis Bacon devenues réalité. »

L’enquête que Zack et sa collègue Deniz vont entreprendre les orientera dans un premier temps vers ces salons de massage. Ouvrant ainsi une porte sur des réalités mafieuses où la prostitution est une véritable institution. Grande organisation, grands moyens ? Ces jeunes femmes, certainement thaïlandaises, se seraient-elles révoltées ?
La patronne du salon a peur et ne veut rien dévoiler à l’équipe d’enquêteurs.

La deuxième partie s’ouvre ainsi :
« Là où il est question d’un homme au bord du ciel
de désirs, de violence, de garçons qui deviennent des hommes
et de dents effilées qui fauchent les êtres humains dans la nuit. »

L’enquête avance, les compétences de chacun et de toute l’équipe sont sollicitées, d’autres crimes et disparitions vont suivre qui pourraient avoir un lien avec les premiers. Le profileur de la police indique alors qu’il s’agirait d’« un homme seul, […] un homme froid et calculateur. Qui fréquente les milieux criminels. Accoutumé à la violence. Misogyne. Peut-être un pervers solitaire. »
Fausse piste, ou élément troublant, partie prenante d’un ensemble ? Nous sommes encore loin de comprendre les enchevêtrements que les auteurs semblent prendre plaisir à nous faire miroiter.

Ce roman, bien que terriblement policier (et thriller !), distille une réflexion sur notre monde actuel. Ce monde où la justice a du mal à s’imposer, où l’on observe des malfrats prospérer, et où la misère est si souvent exploitée. Mais surtout un monde où des comportements aberrants de cruauté calculée peuvent exister ! Une fiction… une  caricature qui extrapole ? Alors, à nous de décrypter…
Nous pouvons d’autant plus apprécier les notes justes dans la finesse des sentiments décrits. Ainsi notre jeune policier, se préoccupant de sa petite voisine qui vient chercher parfois un peu d’attention auprès de lui : « Comme toi enfant, on m’a confié bien trop de responsabilités, j’ai souffert de la perte du parent disparu avant de devoir veiller sur celui qui restait. […]
Personne ne mérite d’être aussi seul.
Que tu l’es.
Que je l’étais. »

Le roman est écrit au présent, le rythme est vif, prenant, et soutenu. Les pensées des personnages sont insérées au cours de l’action, et ces réflexions en italique, qui parsèment le récit, nous impliquent. Car ces pensées sont pertinentes, sensibles et surtout viennent tout à fait à propos. Les auteurs accompagnent notre lecture avec une habileté remarquable. Ainsi nous découvrons, petit à petit, les blessures ou les combats des personnages, tout en étant au cœur de l’enquête, et à travers ses différentes étapes. Point, contrepoint.
L’écriture est riche de précisions, de nuances et, parfois, de poésie bienvenue !

Intelligent roman dont la dernière partie nous montrerait bien le « côté pur de la force » dans son titre ainsi formulé :
« Là où il est question des amis pour la vie
des prières présomptueuses d’un roi déchu
et du périple des femmes jusqu’à la lumière éternelle »

Un grand moment de lecture qui trouble, passionne et donne envie de lire la suite…

Anne-Marie Boisson 
(18/01/16)    



Retour
Sommaire
Noir & polar







Gallimard Série Noire

(Janvier 2016)
448 pages - 20 €



Gallimard Folio

(Février 2017)
528 pages - 8,20 €


Traduit du suédois par
Frédéric Fourreau










Mons Kallentoft,
né en 1968, journaliste et écrivain, s'est fait connaître en France grâce à la série des « Quatre Saisons » mettant en scène l'enquêtrice Malin Fors.


Markus Lutteman,
né en 1973, journaliste et écrivain, est l'auteur de six ouvrages, non encore traduits en français.



Avec Zack, le duo inaugure un cycle de thrillers coups de poing, libres transpositions du mythe grec d'Hercule dans la Stockholm contemporaine.