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Cécile DE RAM & Sylvie PARÉ


L’école en prison
... une porte de sortie


Voilà un ouvrage clair et précis sur le fonctionnement du service d’enseignement dans un établissement pénitentiaire.
Les deux auteurs nous font partager leur quotidien à la Maison d’Arrêt des Hauts-de Seine, à Nanterre, où elles enseignent à plein temps depuis plus de dix ans.
Elles présentent avec beaucoup de sincérité et d’émotion leurs motivations (pourquoi choisit-on d’enseigner en prison ?), leurs réussites (quand tous les élèves inscrits à un examen décrochent leur diplôme), leurs échecs (quand elles voient l’état physique et psychique d’un jeune incarcéré se dégrader au fil des mois) et tous les événements qui constituent leurs journées.
Elles détaillent l’organisation de leur travail aussi bien auprès des majeurs (cette prison héberge environ un millier d’hommes) que des mineurs qui sont détenus dans un quartier spécifique (dix-huit places pour des jeunes de 13 à 18 ans).
Elles expliquent comment les personnes incarcérées peuvent demander à suivre des cours et comment sont constitués les groupes. Outre l’apprentissage de la langue française ou de la lecture, ils peuvent préparer tous les diplômes de l’enseignement général et certains brevets ou bac professionnels.

Le livre est constitué de nombreuses anecdotes et de présentations de cas (Rodolphe, Baba, Zakaria, Dylan et bien d’autres) qui apportent des éléments très concrets sur la diversité des situations rencontrées et sur la difficulté de mener à bien l’exercice en milieu carcéral surtout quand la gestion comptable vient, ici comme ailleurs, fixer les règles. « Au début, nous étions plus dans une logique d'accès à la scolarité, droit fondamental, pour toute personne détenue, quels que soient son âge et sa formation, avec une priorité donnée aux plus démunis sur le plan scolaire. Aujourd'hui, même si nous n'oublions pas ces mêmes prérogatives, nous sommes malheureusement davantage dans une logique de chiffres et de réussite aux examens. Pas facile avec un tel public et dans un tel cadre. »

En plus des difficultés quotidiennes, il y en a parfois de moins prévisibles qui viennent rappeler que le milieu carcéral est en prise directe avec les événements nationaux. Ainsi en a-t-il été pour l’attentat contre Charlie Hebdo. « Comme dans toutes les institutions, le personnel de la prison a été convié à respecter une minute de silence. Nous avons alors été regroupés, un peu avant midi, dans le hall qui dessert les trois bâtiments de la détention. Nous étions visibles depuis des cellules dont les fenêtres donnent sur cet espace. Après une allocution de circonstance, notre chef d'établissement a appelé à une minute de silence. À cet instant précis, un vacarme épouvantable s'est échappé des cellules et est arrivé jusqu'à nous. Les voix hurlaient "Allah Akbar" sans discontinuer. Nous nous taisions. Les voix continuaient de vomir leurs cris, saccageant ce moment de recueillement. Le calme n'est revenu qu'à la fin de cette interminable minute. »
La reprise des cours n’a pas été évidente mais il n’était pas question de baisser les bras et les enseignants n’ont pas éludé le sujet. Cécile De Ram a choisi de travailler les jours suivants à partir de dessins de presse (reproduits dans le livre) et un professeur agrégé d’histoire et géographie a animé des ateliers de géopolitique pour « remettre en perspective les événements sur le long terme et les événements actuels pour éviter toute simplification ». Parmi les participants à ces ateliers, certains ont été choisis parce qu’ils avaient commis des actes terroristes et pour qui le contenu était très dérangeant...

En complément des cours, les deux enseignantes ouvrent aussi le centre scolaire à des activités culturelles : littérature, peinture, musique...

Les interventions littéraires nous concernent particulièrement à Encres vagabondes, parce que c’est dans cette prison que nous avons ouvert (dans le cadre d’une convention avec la Ville de Nanterre) des ateliers de lecture et d’écriture dès le début des années 90. Vingt-cinq ans déjà et plus de soixante auteurs sont venus rencontrer les détenus de la Maison d’Arrêt des Hauts-de-Seine, des auteurs découverts lors des activités de notre revue (entretiens, animations en médiathèques, présence sur les salons et festivals...) parmi lesquels, récemment, Valentine Goby qui a accepté de préfacer ce livre.

C’est donc avec beaucoup de plaisir et d’intérêt que nous avons lu cet ouvrage qui met en lumière le travail aussi difficile que passionnant des enseignants qui exercent ces missions essentielles à l’ombre des hauts murs.

Serge Cabrol 
(25/01/17)    



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Le Rocher

(Janvier 2017)
180 pages - 16,90 €

Préface de
Valentine Goby