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Les personnages, c'est Elle et Lui. Elle, a perdu la voix; lui, perd peu à peu la vue. Nous ne connaissons pas leurs noms, mais est-ce vraiment important puisque nous connaissons de l'intérieur leurs blessures, leurs rêves, leurs cauchemars, leurs images mentales. Lui est professeur de grec ancien et c'est en commentant Platon qu'il retrouve le sens énigmatique des mots de sa propre langue : « Je n'avais jamais ressenti de manière aussi vive que le beau et le sacré n'avaient d'abord formé de façon indissociable qu'un seul mot, que la lumière et la couleur n'avaient été qu'une seule entité. » Elle prend des cours de grec ancien pour tenter de retrouver dans une autre langue les mots de sa propre langue qui se dérobent : « Elle pouvait parler alors, ses sentiments devaient être plus clairs et plus forts. À présent les mots ont quitté son corps. Les mots, les phrases se sont détachés de son corps, ainsi que les âmes errantes, ils la suivent à une distance où ils restent à peine audibles. » Bachelard disait que « la poésie est le plus rapide chemin pour aller au cœur des choses ». Avec une extrême sensibilité et une fulgurance poétique, Han Kang restitue admirablement et la voix et les images mentales de ses personnages : Un incident réunira finalement la muette et l'aveugle et c'est dans une apothéose poétique que l'un et l'autre vont communiquer avec leurs corps avec une tendresse et une pudeur dont aucune langue n'a encore trouvé de mot pour le dire. Leçons de grec, un livre magnifique, une leçon de littérature ! Yves Dutier (26/10/17) |
Sommaire Lectures Le Serpent à plumes (Août 2017) 464 pages - 23,50 € Traduction du coréen Jeong Eun-Jin et Jacques Batilliot
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