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Philippe HAURET


Que Dieu me pardonne


Voilà un polar qui conjugue à merveille la violence et l’humanité, posant au passage quelques questions existentielles, où l’action et le suspense sont accompagnés d’une réflexion sous-jacente sur le déterminisme social et les motivations profondes des actes individuels.

Le héros du roman est le lieutenant de police Franck Mattis qui s’efforce de faire correctement son métier et ne peut s’empêcher de penser aux conditions de vie et aux parcours chaotiques des jeunes délinquants qu’il a souvent l’occasion d’interpeller.
Son équipier, Dan, n’entre pas dans ces considérations. Pour lui, les choses sont toutes simples et leur tâche consiste à empêcher la vermine de nuire à la partie saine de la société. Il aime l’ordre et admire la discipline qui régnait dans la Wehrmacht.
Les relations entre ces deux-là ne vont pas être faciles.

Au début du roman, Franck prend en flagrant délit d’excès de vitesse en ville le conducteur d’une Porsche. Ce n’est pas la première fois et Ryan Martel ne semble pas très affecté par les amendes et les retraits de points, comme si l’argent octroyait naturellement une impunité. Il se permet même une tentative de corruption sur Mattis qui le prend très mal et le convoque dans son bureau pour le lendemain.

Mattis est ensuite amené à opérer une interpellation dans une cité HLM à proximité. Kader, un jeune délinquant qu’il connaît bien, a été filmé par une caméra de surveillance pendant un cambriolage dans une supérette. Une belle occasion pour Dan de jouer les cowboys et d’espérer une arrestation musclée. Mais Mattis apaise la situation et Kader est placé en garde à vue sans violence inutile.

Ce sont les parcours de ces personnages qu’on va suivre au fil du roman. Kader amoureux de Mélissa une fille de prof qui l’aime bien mais qui supporte mal son mode de vie et son manque d’ambition. Ryan et sa femme, Rosine, qui noie un peu plus chaque jour son ennui dans l’alcool au bord de leur belle piscine. Dan, sa violence et son désir de justice immédiate. Mattis et sa compagne, Carole, qui aimerait avoir un enfant, un désir que Mattis repousse autant que possible. Les motivations de chacun sont tour à tour mises en lumière.
 
Ryan et Kader auraient pu ne jamais se croiser mais c’est Mattis qui en décide autrement quand Kader, jugé en comparution immédiate, écope de six mois de sursis simple.
« Quand il apprit que Kader venait d'échapper au régime de sursis complexe – celui qui oblige le condamné à être suivi régulièrement par un travailleur social et à se rendre aux convocations du juge – Mattis entra dans une colère noire. Il lui paraissait pourtant évident que des gosses aussi déstructurés, lâchés sans contrôle dans la nature, ne pouvaient, à terme, que récidiver. »
Il décide d’organiser lui-même, en toute discrétion, une mesure de travail obligatoire sous sa propre surveillance.
Il menace Ryan d’un retrait de permis et lui propose, en échange d’une relative indulgence, d’embaucher Kader pour divers travaux dans sa luxueuse propriété pendant un mois.
Il menace Kader de faire sauter son sursis immédiatement, quitte à lui glisser une dose d’héroïne dans la poche, s’il refuse ce mois de travail sous haute surveillance.
Aucun des deux n’est en mesure de refuser et l’expérience peut, après tout, se révéler intéressante pour l’un comme pour l’autre.

Tout pourrait être pour le mieux dans un monde, sinon le meilleur, en tout cas apaisé. Mais la mort de Rosine, avant la moitié du livre, assassinée et noyée dans la piscine de la belle propriété fait exploser le généreux projet de Mattis. Les trajectoires de tous les personnages sont modifiées et les tendances profondes de chacun vont se révéler. Qui en sortira vivant ? Et dans quel état ? Suspense…

Un bon polar, vivant et intelligent, où les tendances mortifères de certains et les rêves humanistes des autres, vont se confronter, s’affronter, interférer les unes dans les autres et se mener un combat dont l’issue se montrera longtemps incertaine. Un livre qui rappelle que la littérature, et bien évidemment le roman noir, est là pour amener le lecteur à ressentir, éprouver, partager, découvrir ou reconnaître, les pulsions des personnages et leurs aspirations profondes, leurs motivations et leurs différences, leurs choix et leurs failles. Philippe Hauret y parvient très bien. C’est son deuxième roman. A suivre !

Serge Cabrol 
(02/10/17)    



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Noir & polar










Editions Jigal
(Mai 2017)
208 pages - 18 €












Philippe Hauret,

né en 1963, a eu un parcours plutôt chaotique avant de devenir bibliothécaire. Il a déjà publié Je vis, je meurs chez le même éditeur.