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Jørn Lier HORST


Fermé pour l’hiver


Les faits se déroulent en Norvège. Dès les premières pages, l’atmosphère, qui parfois imprègnera l’histoire nous est alors suggérée. « Le brouillard déferlait de la mer en bancs épars. Vapeur au-dessus de l’asphalte mouillé, il créait de petits halos autour des réverbères. »

Plusieurs chalets, résidences secondaires et estivales de la bourgeoisie Norvégienne, fermés pendant l’hiver, ont été cambriolés. L’un de ces chalets appartient à un célèbre présentateur de la télévision nationale. Et justement c’est dans celui-ci qu’un homme mort est découvert : « Il gisait sur le ventre, dans une singulière contorsion […].Son gant noir épais était plein de sang. Ses bottes crasseuses lui arrivaient presque aux genoux. Son torse était revêtu d’un pull noir. Et il avait la tête coiffée d’une cagoule noire. »
Les biens volés ne sont pas sur la scène de crime…

Nous faisons alors connaissance de l’inspecteur William Wisting qui va diriger l’enquête avec ses collaborateurs. Mais aussi de sa fille journaliste. Et très vite on se prend de sympathie pour cet inspecteur, qui d’emblée nous parait sérieux, compétent et ouvert.

Or, il se trouve que justement Wisting vient d’hériter d’un chalet (voisin de ceux cambriolés) appartenant à un oncle décédé. Sa fille, Line, décide alors de s’y installer quelque temps, afin de se reposer et surtout de faire le point sur sa récente séparation d’avec son petit ami, Tommy. Le jeune homme codirige un restaurant avec un personnage qui va progressivement nous apparaître peu recommandable.

Mais le cadavre est kidnappé avant d’être autopsié.

À partir de là, nous allons participer quasi quotidiennement à l’enquête. « Wisting se força à être optimiste. L’affaire progressait tout de même bien. Ils devaient traiter de nombreux éléments inexpliqués, mais ceux-ci s’entrelaçaient en quelque chose de concret. Enquêter sur une affaire de meurtre avec un meurtrier inconnu, c’était comme ôter l’étiquette d’une bouteille de bière. Ça ne se détachait jamais d’un seul tenant, mais venait par petits bouts. »

La situation devient de plus en plus complexe, et plus tard, on retrouve le corbillard brulé. D’autres indices disparaissent aussi dans les flammes. « Quelqu’un a tué le chauffeur et échangé les corps ? […] De toute évidence ils avaient affaire à un personnage exceptionnellement calculateur et dangereux. »

Les chalets sont abordables par la côte… Line, justement, en faisant une promenade, découvre une embarcation qui avait dû dériver. « Il y avait quelqu’un à bord. Un homme était assis au fond de la barque, à moitié appuyé contre le banc de nage, la tête renversée. [...] Son visage étroit et blême était tacheté par la mort. »

S’agirait-il d’un règlement de comptes entre bandes rivales, des indices pourraient le laisser penser. Y aurait-il plusieurs affaires ? Le présentateur de télévision serait-il concerné ?

Le Service de Renseignements est depuis quelque temps sur une piste et attend pour intervenir d’avoir certains éléments de preuve. Il est question d’une  "source" qui suit les trafics et certains personnages de près.

Les deux services vont collaborer. Des éléments se conjuguer. Et concerner les filières de la circulation de la drogue, comme les étapes du blanchiment de l’argent, les combines et trafics divers.

Wisting part alors en Lituanie pour suivre la piste des objets volés.

Ainsi, de cette façon précise et progressive nous suivons les différentes étapes, où certains évènements viennent éliminer des hypothèses pour en proposer d’autres… et cela tout en accompagnant les réflexions et actes de cet inspecteur opiniâtre.

Les différents aspects de l’enquête sont expliqués dans toute leur complexité, et c’est précisément ce qui contribue à l’intérêt de notre lecture. Notre attention est ainsi retenue, et, outre le suspense, et les personnages qui nous sont sympathiques, c’est bien cet accompagnement "obligé", au cœur des étapes, des doutes, voire des interprétations, qui nous rend témoins de ce qui peut aussi être parfois seulement anecdotique.

Mais surtout, ce qui est remarquable ici, c’est l’humanité qui se dégage des analyses, des dialogues. Ainsi lors de son enquête en Lituanie : «  Nous avons le même soleil et la même lune en Norvège et en Lituanie. Nous vivons sur la même terre, mais notre monde est divisé en deux. Nous nous sommes pauvres. Vous vous êtes riches.
Wisting ne pouvait faire autrement qu’acquiescer.
[…] Quand les gens de pays pauvres comme le nôtre viennent travailler ou voler chez vous, ce n’est pas pour devenir riches, mais pour avoir de quoi tenir sur leurs jambes. C’est mal, bien entendu, mais les gens pauvres sont obligés de toujours penser à eux-mêmes. »

Une réflexion sur les situations économiques des pays, liées ou non à la criminalité. « Cette criminalité reposait sur davantage de facteurs que la pauvreté et la misère, et sa cause était nettement plus complexe. Il n’en demeurait pas moins que le tableau de la criminalité en Norvège aurait été très différent si les pays d’Europe de l’Est avaient été plus prospères. »

Et puis l’auteur sait aussi nous peindre, à point nommé, les portraits tout en finesse de ses personnages, qui viennent alors peaufiner le réalisme du récit.

Ce roman est intéressant, le suspense ne faiblit pas, les scènes d’action décrites avec précision, les personnages convaincants, les réflexions pertinentes...
Une belle et bonne lecture de vacances ? Certainement… mais "pas que !"

Anne-Marie Boisson 
(05/07/17)    



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Noir & polar








Gallimard Série Noire

(Avril 2017)
368 pages - 20 €


Traduit du norvégien par
Céline Romand-Monnier









Jørn Lier Horst,
né en 1970 en Norvège,
a publié une dizaine de volumes de la série William Wisting et autant de livres pour la jeunesse. Fermé pour l’hiver
est son premier roman
traduit en français.


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