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Françoise PERRIOT

Les Indiens & la nature



Ce livre, construit autour du rapport des Indiens à la nature, est aussi riche par les photos que passionnant par le texte.
Les très nombreuses photos, en noir et blanc ou colorisées, datent essentiellement de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Des portraits d’Indiens mais aussi des paysages qui, avec leurs légendes explicatives, constituent un premier niveau de lecture.

Un exemple avec la photo de la page 64 :
ATLUMHL (MASQUE DE LOUP) KOSKIMO, CÔTE NORD-OUEST.
1914. Edward Sheriff Curtis (1868-1952).
Les Kwakwaka'wakws (ou Kwakiutls) vivent sur la côte Nord-ouest du Pacifique. Selon leur mythologie, leurs ancêtres ('na'mima) sont arrivés — par voie terrestre, maritime ou souterraine — sous la forme d'animaux primaires qui se transformèrent en humains. La société traditionnelle kwakwaka'wakw est divisée en bandes réparties en quatre clans : Épaulards, Aigles, Corbeaux et Loups. Les entités ancestrales et les forces surnaturelles incarnent temporairement des danseurs portant ces masques.
Basé sur leur environnement, le fondement même des cultures des peuples de la côte Nord-ouest
— dont les œuvres admirées et pillées par musées et collectionneurs — est menacé par les exploitations forestières et les usines toxiques de pâte à papier qui désacralisent et tuent la forêt primaire ; menacé aussi par l'aquaculture industrielle qui détruit le capital génétique du saumon sauvage (parasite, prédation, perte d'habitat..), et par les mines de charbon et de cuivre dont les résidus (cuivre et arsenic) se retrouvent dans les oiseaux aquatiques et les animaux marins.

On feuillette, on s’arrête, on repart, on voyage dans le temps et dans l’espace,  de l’Arizona à l’Alaska et du Minnesota au Nouveau Mexique.
Le texte occupe une quarantaine de pages, les deux cents autres étant consacrées aux photos dont les reproductions sont de très bonne qualité.

Le texte est réparti en quatre grandes parties.
- La première définit le paysage comme expression de la mémoire et met en lumière le lien entre la spatialité et la spiritualité, le sacré. Cette conception est difficilement compatible avec l’évolution du monde. Le tourisme, la construction de barrages, l’installation de décharges toxiques, de centres d’incinération de déchets nucléaires, la construction d’oléoducs, les propositions ne manquent pas pour modifier le paysage. « Comment résister quand on est parmi les plus pauvres, et que de très puissantes industries proposent de distribuer à chacun des sommes vertigineuses ? » Il faut essayer de résister avec de nouveaux moyens. « Les "braves" du temps passé, les guerriers, hommes et femmes, défenseurs de leurs tribus, de leurs familles, de leurs cultures de leur territoires, sont aujourd'hui activistes avec l'environnement pour nouveau champ de bataille pour les droits de l'humain ; ils se regroupent, s'organisent utilisent les armes du monde moderne, Internet, campagnes, lobbying, procès... » Le combat n’a jamais cessé mais les armes ont changé.
- La deuxième partie fait une large place à un dialogue de l’auteur avec Maya, une amie de la tribu des Crow, autour des traditions ancestrales et notamment cette notion des « quatre directions » qui ouvre des champs de réflexion peu exploités par nos conceptions occidentales.
- Dans la troisième partie, c’est l’origine du monde et des peuples indiens qui est racontée par Susan à son fils et à celui de l’auteur qui ont tous les deux une douzaine d’années. « Pour les Apsâalookes le monde fut créé par un être mystérieux mi-homme, mi-coyote. Ce personnage avait beaucoup de pouvoirs et de sagesse. Comme nous respectons beaucoup les personnes âgées, il fut appelé Vieil Homme Coyote. Le monde n'était alors qu'une immense étendue d'eau. Vieil Homme Coyote y vivait seul sur un radeau. Un jour, il croisa deux canards… »
Susan raconte comment Vieil Homme Coyote créa la Terre avec l’aide des deux canards, puis l’homme, la femme et les différentes espèces vivantes.
L’auteur élargit ensuite ce récit avec ceux d’autres tribus : Navajos, Sioux, Hopis…
- La quatrième partie évoque la rencontre avec les civilisations étrangères qui ont envahi le pays, apportant dans leur sillage des maladies causant des ravages parmi des populations non immunisées, introduisant de nouvelles religions, s’appropriant les terres et exterminant des espèces animales…

Des textes clairs, étayés de témoignages, qui nous aident à mieux connaître et comprendre les Indiens et leur rapport à la nature.

Une dernière partie nous explique comment l’auteur a trouvé ces centaines de photos et ce qui pouvait motiver les photographes, de la fin du XIXe siècle au début du XXe.

Une très belle idée de cadeau pour soi-même ou pour les proches dont on connaît la curiosité, l’ouverture sur le monde et le respect d’autres cultures.

Serge Cabrol 
(23/12/17)    



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Le Rocher

Collection Nuage rouge
(Novembre 2017)
240 pages - 39 €











Françoise Perriot,
diplômée des Beaux-Arts de Paris, est journaliste, écrivain et spécialiste de l'ouest américain où elle a vécu plusieurs années.