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Serge FILIPPINI


Rimbaldo

Qu’y a-t-il de plus instantané qu’une photographie ? Pourtant, celle retrouvée par hasard en 2010 et prise à Aden en 1880 a inspiré tout un roman à Serge Filippini.
Sur cette photo, on voit six hommes et une femme qui nous sont inconnus sauf Arthur Rimbaud qu’on reconnaît aisément. Mais à l’époque de cette photographie, Rimbaud est contremaître chez un caféiculteur, la factorerie Bardey. Son œuvre poétique n’est pas encore connue en Afrique et très peu publiée en Europe. Seule une rumeur circule ; « des écrits stupéfiants », « un libérateur de langage ». Filippini nous le dépeint misanthrope, querelleur, tourmenté.

Les autres personnages vont acquérir sous sa plume de l’épaisseur ; certains ont choisi l’Arabie pour y cacher un passé inavouable, certains sont de vrais explorateurs en quête de civilisations encore inconnues. Certains sont des aventuriers venus s’enrichir. Un couple, les Bidault, ont fui la répression qui a suivi la Commune de Paris. Emilie Bidault déteste le mépris et la violence des colons à l’égard des indigènes. Ce personnage est le plus sympathique de la bande : féministe, libertaire, curieuse des autres, « affranchie de tout préjugé », c’est une femme libre dans ses jugements comme de son corps. Quand elle épouse Edouard Bidault elle précise : « J’épouse Edouard mais je ne lui appartiens pas ». Emilie consigne dans des carnets ses impressions de voyage ; notations géographiques et poétiques qu’elle lit parfois aux autres expatriés. Elle partira en expédition vêtue en musulmane, dans le Harar.

Le photographe, Georges Revoil, va pénétrer des territoires somalis réputés dangereux et y réaliser des portraits d’hommes et de femmes des tribus « les plus mystérieuses ». Ses photographies seront publiées et lui donneront une certaine notoriété.
Henri Lucereau, autre explorateur présent sur le cliché, sera assassiné dans les mois suivants.
Rimbaud partit aussi pour la Somalie et tomba malade à Harar.
Maurice Ries, explorateur toujours angoissé, a développé des affaires avec Rimbaud dans la Mer Rouge. C’est lui qui informe les Suel de la mort de Rimbaud à Marseille.
Jules et Madeleine Suel sont les gérants du Grand Hôtel de l’Univers où la photo a été prise.

Tous ces personnages sont accablés de chaleur et d’ennui. Le portrait qu’en fait Filippini est sans indulgence. L’ambiance du récit rappelle celle du film Le paltoquet de Michel Deville où tous les protagonistes se suspectent et où chacun cache un secret.

Dans L’homme incendié, Filippini donnait sept jours à Giordano Bruno pour écrire son grand  œuvre avant d’être mené au bucher. Ici, il décrit les deux heures qui précèdent la célèbre photo. Cette contrainte de temps semble stimuler cet auteur.

Nadine Dutier 
(28/03/18)   






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Libretto

(Janvier 2018)
160 pages - 8,10 €


Ce roman a paru en 2014
aux éditions de
La Table Ronde
Prix Marcel Aymé 2015





Photo © Mado
Serge Filippini,
né en 1950 et philosophe de formation, est l'auteur d'une quinzaine de livres.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia





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