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Thomas GORNET

Qui suis-je ?


Vincent, blond, pâle comme une endive, est en classe de troisième. C’est un élève discret voire solitaire qui excelle dans toutes les matières scolaires sauf en sport où le professeur aime à le ridiculiser sans ménagement. Durant les pauses le garçon partage toujours la même marche en béton avec ses deux seuls amis : Myriam, avec laquelle il révise ses cours et Aziz avec lequel ils parlent des autres. « Christophe est le plus beau de ma classe de troisième. Myriam est ma meilleure copine. Aziz est mon ami. Pascal est le souffre-douleur de Momo qui le traite de tapette parce qu'il est petit, timide et pâle. Claire est une allumeuse. » Au cœur de cette jungle urbaine, Vincent « rêve de devenir ornithologue, de partir vivre dans une cabane en pleine forêt et de ne fréquenter que des oiseaux. Des oiseaux, au lieu des singes et des vipères du collège.»

À la Toussaint, un nouveau débarque dans la classe : Cédric. Quand ce grand gaillard sociable et sportif qui suscite immédiatement l’intérêt de tous  s’installe à la place restée vacante à côté de Vincent celui-ci en est troublé. Une succession de sensations et émotions nouvelles et inexplicables s’imposera dès lors à lui. « Depuis qu'il est arrivé, mes notes chutent, mon cœur bat. » 
Mais le nouveau qui a très vite sympathisé avec tous et toutes et surtout avec Christophe, Momo et le clan des sportifs conquérants qui font la loi, semble au bout de quelques semaines éviter Vincent. « Ça me fait une grosse boule d'angoisse dans la gorge et des pleurs dans la tête : je ne comprends rien à ce qui m'arrive. » « Il faudrait que je dise à Aziz ce que j'ai sur le cœur. Lui, quand il était amoureux de Claire l'année dernière, il m'en parlait tous les jours. Je pourrais faire pareil. Mais là, c'est pas pareil. Enfin si, c'est pareil. Pas complètement. Pour moi c'est pareil, mais pour les autres je sens bien que ça sera différent. »
Progressivement le bon en maths incapable de grimper à la corde qu’on raillait déjà au cours de sport se met à déclencher sur son passage d’étranges sourires et à partager avec Pascal l’insulte de « pédé ». C’est bizarrement le moment qu’Aziz semble choisir pour s’éloigner de lui. 
Ne reste donc plus à ses côtés que la gentille Myriam, attentive et toujours prête à le défendre, amoureuse de lui aime à dire Aziz qui en pincerait bien un peu pour cette tête de classe. Mais aveugle et sourd aux perches que son amie lui tend pour qu’il libère son cœur de cette tristesse qui le plombe, le garçon n’osant partager ce lourd secret qui n’en est plus un pour personne se replie sur lui-même et verrouille toute communication. 
C’est en fin d’année un match de volley qui va précipiter le dénouement.

Sur 90 pages ce roman dispose de tous les ingrédients nécessaires pour être accessible au public des 12-15 ans : une écriture aérée, fluide, imagée, sans descriptions ni grands développements psychologiques, une construction chronologique en saynètes courtes incluant de nombreux dialogues truffés de repères générationnels (jeux vidéo, musiques, films…), un héros adolescent qui s’exprime à la première personne ouvrant une porte facile à l’identification. 

Ce récit intime de Vincent dévoile avec pudeur mais justesse le point de vue et le ressenti d’un garçon de quatorze ans, qui à travers ses questions et ses angoisses nous restitue également celles de ses pairs. Si le héros, comme beaucoup de ses camarades y compris ceux qui choisissent l’esbroufe pour s’imposer, ne sait pas lui-même qui il est, a du mal à trouver sa place parmi les autres et à comprendre ses émotions, comment pourrait-il en être autrement face à cette enfance qui s’éloigne, ce corps qui s’éveille au désir, ce grand saut dans l’inconnu qui le guette en fin d’année avec l’éparpillement du groupe dans différents lycées selon les choix d’orientation, quand les relations familiales elles-mêmes semblent changer ? 

Ce roman offre ainsi de belles pages sur l’adolescence et le basculement vers l’âge adulte. Il dit la relation paradoxale entre le désir de se singulariser et celui de se fondre dans un clan, les doigts coincés dans les rouages de la normalisation sociale qui nourrit le rejet de la différence et produit le harcèlement des plus faibles face à la soif d’autonomie et d’affirmation de chacun.
Loin d’être didactique et de prétendre apporter des réponses, ce court roman se contente de saisir dans sa vérité une des étapes constitutives de l’adolescence en braquant son projecteur sur les questions qui agitent son héros et ses camarades. C’est autour du sujet sensible et trop souvent tabou de l’éveil à la sexualité en général et à l’homosexualité en particulier que Thomas Gornet, avec délicatesse mais sans masque ni cliché, avec finesse, respect et tendresse, développe avec cohérence son récit.

Enfin, si le malaise de Vincent y est palpable, le rythme enlevé du récit et son recours fréquent à l’humour viennent faire antidote et c’est une fin ouverte et positive, apte à rassurer les jeunes lecteurs et lectrices abreuvés de « happy end », qui vient adroitement conclure l’ensemble.

Un ouvrage à multiples entrées à recommander à tous les collégiens pour les aider à grandir, à s’affirmer, à s’accepter et à accepter les autres.

Le texte publié est une nouvelle version d’un roman paru sous le même titre en 2006 à L'Ecole des Loisirs. Une adaptation au théâtre pour la jeunesse en est prévue cette année (voir le site de la compagnie Le Chat Foin).

Dominique Baillon-Lalande 
(19/03/18)    



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Jeunesse








Éditions du Rouergue

Collection doado
80 pages - 8,70 €








Thomas Gornet,
né en 1976, est comédien, metteur en scène et auteur de livres pour la jeunesse.


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de Thomas Gornet






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