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Noémi LEFEBVRE

Poétique de l’emploi


Certains livres sont de petits ovnis dans le champ de la littérature et Poétique de l’emploi en fait indéniablement partie. L’auteure nous y a souvent habitués, il est vrai. Mais sa langue sans concession et ses compositions proches du fragment ne s’étaient jamais d’aussi près approchées de la poésie. Ici, c’est chose faite – ce que le titre, évidemment, indique.

C’est pourtant un récit que Noémi Lefebvre a écrit. On y suit les pérégrinations d’une femme parlant avec un père imaginaire. Chacun s’apostrophe et se répond. Entre les deux, chacun vit sa vie ou cherche plutôt à la définir. Car comment vivons-nous, nous les humains que la narratrice appelle le peuple outang ?

Certains travaillent. Là encore, le titre nous mettait sur la voie : il est ici question de travail. Les uns gagnent leur vie en la perdant, c’est connu, allant chaque jour turbiner et vendre leur âme à on ne sait plus qui. Les autres se plaignent de ne pas travailler et font du surplace ou hantent les pôles qu’ont dit faits pour l’emploi en espérant revenir dans la course avec les premiers.

La narratrice se refuse aux deux options. Et elle dit pourquoi. Elle l’écrit. En dix leçons de poésie qui constituent dix pamphlets contre le peuple outang ou toute espèce d’autorité qui viendrait gacher ce que le monde peut avoir encore de poésie. Dix leçons aussi percutantes qu’une bonne manif anti-travail, auxquelles la narratrice se rend d’ailleurs.

Que l’on ne cherche toutefois pas trace de solution dans ce livre. Comme Nathalie Quintane dans Que faire des classes moyennes ?, c’est la littérature qui prime. L’ouvrage nous fait faire des traversées dans un territoire où la langue est l’élue première et fondamentale. L’unique vrai travail au fond.

Hélas, ce n’est pas ça qui paye. Le travail de la langue, autant le savoir, ne rapporte rien. C’est vrai, ce travail-là ne donne pas de quoi remplir un caddie de supermarché. Mais comme les caddies sont remplis de macabres produits, autant lire et s’en remettre à la littérature.

Lire Noémi Lefebvre pour se nourrir. Ah oui ! Ça, ça fait du bien.

Isabelle Rossignol 
(16/04/18)    



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Verticales

(Février 2018)
108 pages - 12 €



Noémi Lefebvre

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