Cet album tout en hauteur fonctionne en doubles pages où l’illustration se taille la part du lion. Le texte est bref, une ou deux lignes, ici ou là. L’ensemble est à la fois poétique, onirique et plein d’humour. Une bien étrange balade en forêt…

Au départ, un livreur qui traverse la montagne avec son camion doit faire une petite pause pour un besoin urgent. Il laisse son véhicule au bord de la route et s’enfonce dans les bois pour trouver un endroit tranquille.
Une fois soulagé, il retourne vers son camion et c’est là que tout bascule.

La forêt semble s’être refermée autour de lui, « Impossible de retrouver son chemin ».
Il aperçoit une silhouette noire aux yeux rouges, moitié animal moitié fantôme, qui l’observe mais ne fait rien pour l’aider.

Le livreur est seul, « Seul avec les arbres », « Seul avec les fleurs et les aigles », « Seul avec la rivière, les pierres et les poissons », « Seul avec la montagne ».
Il pourrait se désespérer, se mettre en colère, courir dans tous les sens, mais ce n’est pas le cas.

Manuel Marsol a un talent extraordinaire pour montrer par le dessin, sans un mot pendant une quinzaine de pages, comment le livreur entre en communication avec la nature.
Sa main, ses oreilles ou son pied semblent devenir géants tandis qu’il touche un arbre, une fleur ou de l’eau. Et, peu à peu, il se transforme en une sorte de yéti rose et débonnaire qui s’intègre à la montagne, fait la sieste, joue avec les animaux, y compris des bêtes fantastiques et multicolores.

Mais tout a une fin, la vie reprend son cours, la parenthèse magique se referme, et le livreur retrouve son camion.

Un album original, au graphisme éloquent qui passe du vert sombre de la forêt inconnue et hostile à une vie joyeuse et colorée dans une montagne apprivoisée. Les doubles pages sont de véritables tableaux et certaines font penser à Chagall pour les couleurs, les animaux fantastiques et la liberté onirique.

Une histoire à raconter et à faire raconter par les enfants en cherchant tous les détails qui se cachent un peu partout et montrent que le livreur, dans la montagne, est beaucoup moins seul qu’il ne le croyait.

Serge Cabrol 
(23/04/18)