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Nicolas MICHEL


Le chant noir des baleines


La littérature jeunesse, on le sait, fournit aujourd’hui d’aussi bons romans que la littérature adulte. Si certains en doutent toutefois, qu’ils lisent Le chant noir des baleines. Le livre aborde un sujet à mettre entre toutes les mains et il est écrit avec une exigence stylistique que bien des auteurs à succès devraient avoir. Il faut dire que Nicolas Michel n’est pas n’importe qui puisqu’il a obtenu le Goncourt du premier roman en 1999.

Ici, c’est l’Afrique qui est au centre de son roman, l’Afrique et ses jeunes hommes que la France est allée chercher pour combattre l’ennemi allemand. C’était en 1916. Les Blancs entraient dans les villages et forçaient les chefs à leur livrer leurs enfants. Pour ceux qui partaient, l’enfer commençait. Formés aux règles militaires puis entassés comme des esclaves dans des bateaux, ils quittaient leur pays pour l’inconnu. Venaient la neige, les tranchées, les batailles. Un seul espoir les faisait tenir : un jour, ils rentreraient chez eux.

Tierno le Sénégalais est l’un de ces hommes. Il s’est battu et, la guerre terminée, on l’a fait monter sur un paquebot au nom prometteur : « l’Afrique ». D’autres tirailleurs étaient là, d’autres passagers aussi, en tout six cents deux. Chacun allait vers son avenir quand la mer en a décidé autrement : elle s’est déchaînée et les a engloutis. Trente-quatre. Trente-quatre seulement ont survécu. 

Tierno le Sénégalais est encore l’un de ces hommes. Léon, petit garçon étrange dont le père n’est pas revenu de la guerre, le trouve un matin, échoué sur la plage. Avec sa mère, il le sauve. Plus qu’amis, Tierno et Léon deviennent alors confidents. Léon apprend à connaître la guerre dont sa mère refuse de parler et Tierno apprend à retrouver ses souvenirs. L’un comme l’autre revient à la vie.

On suit ce cheminement intime et historique avec respect. Car tout ce qu’on lit est fiction sans être fiction. « L’Afrique » a en effet existé, le naufrage a en effet existé, les tirailleurs ont en effet existé. Léon, lui, pourrait exister. Il serait l’un de ces orphelins de guerre dont on parle aussi peu que du naufrage de ces combattants africains qui ont péri alors qu’ils rentraient chez eux.  

En un temps où les migrants périssent dans nos mers, Le chant noir des baleines réveille l’histoire de façon nécessaire. Nicolas Michel n’oublie cependant jamais qu’il écrit un roman : Léon, sa mère et Tierno sont avant tout de vrais personnages et l’histoire une réelle aventure – une aventure où le maître-mot est bien doux : l’affection.

Isabelle Rossignol 
(17/10/18)    



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Jeunesse







Talents Hauts

Collection Les Héroïques
(Septembre 2018)
288 pages - 16 €






Nicolas Michel,
né en 1974, est journaliste pour Jeune Afrique et romancier pour les adultes et la jeunesse.