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Benedek TÓTTH


Comme des rats morts

Il y a Greg, le fils de riche, son père va régulièrement faire des safaris, sa chambre équipée de toute la technologie moderne (home cinéma, console,…) est grande comme tout l’appartement du narrateur dont on ne connaît pas le prénom. Forcément, avec tout ce luxe, Greg fait figure un peu de chef de bande. Il y a La Bouée, toujours partant pour les propositions de Greg et Dany qui suit un peu les autres, qui est le souffre-douleur du groupe. Ils ont pour point commun d’être seuls, les pères sont absents ou partis du domicile, les mères s’occupent uniquement d’elles-mêmes ou, seule autorité parentale, sont dépassées.

Ils sont lycéens mais sèchent beaucoup les cours. Leur grande occupation « sociale » c’est le club de natation, s’entraîner, un peu à contrecœur, pour la grande compétition départementale, battre « les gars de Kaposvar ». À contrecœur, car Dédé, l’entraîneur, ne connaît que les coups de gueule, les gifles et les coups de pied aux fesses, c’est un entraîneur aboyeur et c’est lui qui est le seul modèle paternel du roman.

En dehors du « cube », la piscine, et du lycée, ils ne pensent qu’à la drogue,  faisant parfois leur propre dope en mélangeant des pilules, aux jeux guerriers sur la console et aux films pornos. Bien sûr, Greg à une vidéothèque enviable. Car pour eux le monde est simple, il y a d’un côté leur « bite » et de l’autre « les nibards et les chattes ». « – Si tu veux te payer une chatte, j’en connais quelques-unes dans le septième… » « Il est plombier, je crois qu’il a trituré sa bite ratatinée plus souvent que sa clé à molette… » « Je l’avais amenée dans les réserves, je lui ai ouvert la chatte et là, j’en ai pas cru mes yeux… T’imagine, la black dedans, il était tout rose son con !... » À jeun ou sous l’effet de drogues, ils ne voient l’univers que peuplé de seins et de vagins. »

Leur vie est une ballade de baises, de drogues, de porno et de mort. Le roman commence par la mort accidentelle d’un cycliste renversé par Greg « drogué » alors que celui-ci avait emprunté une voiture à son « daron » et conduisait sans permis. « Greg recommence à s’affairer, il appuie sur un bouton et pendant que la vitre s’abaisse, il jette dehors le reste des frites. Du coup la bagnole se déporte vers le fossé. J’ai les mains moites. Mon visage se reflète dans la vitre. Non ce n’est pas moi. Je ne veux pas que ce soit moi, ce type me fout les jetons, même s’il sourit. Il est trop vieux ou trop jeune, je n’arrive pas à me décider, il me reluque avec un sourire grimaçant mais moi, je ne grimace pas. Puis il se transforme en un crâne luisant, en une énorme tête de mort grimaçante, alors je détourne les yeux et je fixe mon regard sur le siège de devant. » Plus tard nageant seul dans le Cube la nuit : « C’est bon de nager seul la nuit, personne ne me voit et je vois personne […] je regarde la lune. Je cherche son regard souriant, en vain. D’ailleurs, la lune n’est pas un visage souriant mais un crâne rond. »  Pour presque finir sur ces mots : « Mon lit est trempé. Je regarde mon réveil. C’est l’heure pile. Les deux zéros me fixent dans le noir comme deux orbites vides. »

Le roman est le portrait désespérant d’une  jeunesse  morbide, sans aucun amour, sans aucune tendresse. Ce ne sont pas les cadavres qui  font de ce roman un polar vraiment très noir mais cette jeunesse « déjà morte ». Un bon polar psychologique et sociologique sur une certaine jeunesse dans la Hongrie contemporaine.

Michel Lansade 
(26/01/18)    



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Noir & polar







Actes Sud

256 pages - 21,80 €



Traduit du hongrois par
Natalia Zaremba-Huzsvai
et Charles Zaremba









Benedek Tótth,
né en Hongrie en 1977,
vit à Budapest.
Comme des rats morts
est son premier roman.