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Thomas CANTALOUBE


Requiem pour une République


Le roman se déroule du 15 septembre 1959 au 18 octobre 1961, avec un épilogue en 1962.
Un pan de notre histoire avec l’Algérie, avant les accords d’Evian, matière et fond, les dessous d’une République qui cache son vilain linge, le sale comme le douteux, et les odeurs qui s’en échappent. Fiction dramatisée sur réalité historique ? Ou tableau historique, proposant des personnages de fiction déambulant autour de personnes réelles ? Et de suggérer aux lecteurs d’autres angles de vue ? Car on voit justement, Papon, Le Pen, Mitterrand, pour ne citer que les plus connus ; les autres nous les rencontrerons au fil de cette histoire, avec des attentats, des crimes, des "effacements" d’individus, et tous ces actes de violence, mélangés avec de l’humanité parfois, de l’espoir peut-être, mais qu’il faudra alors savoir trouver au creux de l’ombre.
 
Ici, trois personnages principaux dont les chemins vont se croiser tout au long du récit. Le roman est construit de cette façon : chacun des trois personnages, en alternance, commence un chapitre, son nom étant suivi de la date du jour. Sirius Volkstrom, 15 septembre 1959 ; ou Luc Blanchard, 17 septembre 1959 ; ou encore Antoine Carrega, 20 septembre 1959…

La connaissance progressive de leur histoire respective, comme des faits dont ils sont les initiateurs ou les témoins, et leurs conséquences pas toujours prévisibles, nous bluffent et nous inviteraient bien à aller vérifier les documents et  les articles de cette époque.

Donc, l’histoire commence à l’automne 1959 où un avocat algérien, peut-être lié au FLN, est tué dans son appartement parisien avec sa femme et ses enfants. Il semblerait que seul l’avocat était visé, sa famille ne devait pas être présente à ce moment-là.

Qui est le tueur, et surtout qui a donné l’ordre de tuer ? Et pourquoi ? C’est alors que nous allons rencontrer les services de la police avec, à sa direction, un certain Déogratias, flic bien caricaturé en marionnette du préfet Papon, pour constater que, selon les différents niveaux d’influence, les recherches et motivations diverses peuvent se croiser, se neutraliser, s’envenimer et réciproquement ! Un exécuteur, donc, et vraisemblablement un (ou plusieurs) commanditaire(s), et la police.
Sur le terrain, le jeune flic, Luc Blanchard, peut-être un peu trop naïf, mais aux principes établis et qui pour comprendre va fouiller plus loin que nécessaire ou demandé… au risque de mettre en cause sa carrière.
Antoine Carrega, ancien résistant corse proche du "milieu" avec qui il fait quelques affaires louches, bien décidé à trouver les responsables de la mort de la fille (la femme de l’avocat assassiné) et des petits-enfants de son vieil ami Félix : « Il avait partagé avec lui et d’autres compagnons des nuits à se geler et des matins sans café. Ils avaient échangé du tabac et des munitions... Ils avaient sauvé des Juifs et tabassé des Boches […] Félix était redevenu banquier et resté gaulliste, Antoine était resté aux marges de la loi et redevenu anarchiste.»
Et puis Sirius Volkstrom, mercenaire à ses heures, amputé d’un bras, dont le passé violent et tumultueux pourra donner un aperçu de sa force de caractère ou de sa forme de folie. D’où ses stratégies de repli, alimentées par sa paranoïa et ses expériences. Il est en lien avec Déogratia, pour négocier la liberté de son ami emprisonné.
Quant à notre jeune Luc Blanchard, « Ses rencontres avec Mitterrand étaient toujours aussi déroutantes. Telle une araignée, l’homme politique se déplaçait sur plusieurs fils à la fois. […]Il se prétendait victime d’une machination tout en laissant entendre qu’il aurait pu en être l’auteur. Il choisissait de deviser avec un bleu alors qu’il aurait pu tutoyer le sommet de la hiérarchie policière. »

Ces trois personnages vont essayer chacun à sa manière et avec ses ressources propres et si opposées parfois, d’en retrouver un quatrième, un exécuteur des basses besognes, un certain Victor Lemaire. Leurs chemins vont se croiser, et peut-être sauront-ils alors s’allier de manière conjoncturelle…

Donc une fiction bien "noire". Mais si nous avions déjà goûté le genre, ici nous sommes accrochés justement par les personnages, fictifs ou non, leurs caractères complexes et cette dose de subtilité qui va nous surprendre et alimenter page après page notre intérêt.

Le fait de s’immerger dans cette histoire racontée en temps et dates précises, de s’arrêter souvent du fait des remarques et analyses percutantes qui donnent à penser, empêche les raccourcis et autres résumés... Fiction ou non.

Alors laissons-nous prendre par cette histoire, apprécions cette écriture claire, précise, documentée et pleine de charme qui laisse percevoir sa sensibilité : « La banlieue grise céda la place à la banlieue beige, puis à la banlieue verte. Des champs de betteraves et quelques forêts. Juste après avoir franchi la Seine, son train s’arrêta définitivement, comme s’il n’en pouvait plus. Il était arrivé à Melun. »

En fin de roman, l’auteur lui-même nous précise certains éléments…

Anne-Marie Boisson 
(03/04/19)    



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Noir & polar







Thomas  CANTALOUBE, Requiem pour une République
Gallimard Série Noire

(Janvier 2019)
544 pages - 21 €


Thomas  CANTALOUBE, Requiem pour une République
Folio policier

(Avril 2021)
544 pages – 9,20 €











Thomas Cantaloube,
né en 1971, journaliste et écrivain, est grand reporter à Mediapart. Après plusieurs essais sur divers hommes politiques, il signe ici son premier roman.


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