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Jacqueline DAUSSAIN


La journée mondiale de la gentillesse


Bienvenue dans ce recueil qui mêle de manière fort équilibrée des récits où femmes et hommes de tout âge se retrouvent indifféremment narrateurs ou comparses d’histoires de vie bien ancrées dans la réalité d’aujourd’hui. Si dans ces vingt-deux courtes nouvelles la majorité ont une femme comme narratrice, ces récits sortent vite du cadre des "histoires de femmes". Tous (à l’exception de Prise de tête  et Ne pas traîner où les narrateurs se le jouent solo)  mettent en scène une ou un protagoniste dans sa sphère relationnelle, de couple, de responsabilité parentale voire dans une relation enfants/grands-parents ou lors de rencontres moins convenues.

La première nouvelle (qui donne son titre au recueil) commence très fort avec une farce douteuse d’une irrésistible drôlerie illuminée par l’amitié entre deux femmes. Les suivantes se centrent davantage sur l’affectif et les relations interpersonnelles. Chose plus rare dans la littérature, l’univers des maisons de retraite et de la vieillesse s’y invite aussi (avec pas moins d’une dizaine d’occurrences) prenant une vraie place dans ce réseau de liens à géométrie variable, rarement de façon triste et même parfois avec des scènes franchement réjouissantes comme dans Les amis de Paula. Si la violence domestique (Le papa de Poupette) et l’alcoolisme (Une bière bien fraîche) s’y glissent aussi, le ton n’y est généralement pas au drame mais à la tendresse comme dans ce vieux bar dansant où un quarantenaire pigiste du journal local bien que goguenard tombe sous le charme d’une septuagénaire bien sympathique  (Moi, j’adore danser) .
Outre les intérieurs plus intimes, les lieux de travail des protagonistes par deux fois font aussi décor, l’Hôpital dans Prof de maths et l’Église dans Cadre à Beauneux, deuxnouvelles aussi inattendues que loufoques qui ne nous disent rien sur les conditions de travail des deux intéressées mais beaucoup plus sur leur énergie et leur détermination. L’éducation de Joséphine, entre une mère divorcée, sa fille trop gâtée et Stromae le poisson rouge, se positionne à l’exacte convergence entre ces nouvelles décalées et celles plus introspectives sur la vie familiale.
Prise de tête où la rue de nuit et la peur s’avèrent fort mauvaises conseillères pour un fêtard peu reluisant, met en scène le seul personnage vraiment négatif du recueil malgré la fin élégante choisie par l’auteure pour ne pas l’enfoncer. 

Si nos relations aux autres et plus particulièrement à nos proches ne sont pas toujours simples, Jacqueline Daussain prend garde à ne jamais forcer le trait ou juger ses personnages. Chacun fait comme il peut. Les vrais méchants ou les héros magnifiquement généreux n’y sont pas plus nombreux dans ces cent-vingt-quatre pages que dans l’existence mais il ressort de ces tranches de vie somme toute ordinaires de beaux personnages qui immanquablement, à un moment ou un autre, nous tendent un miroir et/ou jouent avec nos propres émotions. 

Jacqueline Daussaint est une conteuse qui aime nicher dans ses histoires douces, tendres ou plus sombres, franches ou ambiguës, d’imprévisibles éclairs de joie. Si la vie, l’amour, la vieillesse ou la solitude sont des sujets a priori sérieux que l’écrivaine aborde avec une retenue, une humanité et une authentique intériorité, elle ne résiste pas à y glisser en toute subtilité une petite pointe d’humour ou de moquerie pour ouvrir la voie à un rai de lumière dans l’obscurité et en fin de compte faire triompher l’incorrigible optimisme qui l’habite.
Par deux fois pourtant, dans Le Papa de Pepette et Prise de tête, elle ne peut empêcher le drame de cogner à la porte. 

La dame partage avec Annie Saumont, la grande nouvelliste française contemporaine qu’on ne présente plus,  un sens de l’observation affûté des autres et une vraie empathie avec ses personnages. Mais là où la première les saisit avec une violence sourde au moment où une faille s’ouvre devant eux et où le plus souvent ils dérapent, Jacqueline Daussaint dans une position de bienveillance généralisée se focalise sur leur volonté de bien faire et parie sur la générosité de l’être, le partage et la solidarité de la communauté qui les entoure, pour dévier les flèches du sort et leur éviter le pire. C’est indéniablement rassurant et confortable pour le lecteur.  

Derrière la simplicité et la banalité apparentes de ses récits, avec un amour des autres et des mots fort communicatif, l’écrivaine, de son écriture classique et fluide travaillée avec soin,  ferre  son lecteur du bout du cœur de la première à la dernière nouvelle. Un moment intime et privilégié de lecture à ne pas laisser passer.  

Dominique Baillon-Lalande 
(28/01/19)    



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Quadrature

(Décembre 2018)
128 pages - 16 €


















Jacqueline Daussain,
née à Namur en 1955, anime des ateliers d’écriture. La journée mondiale de la gentillesse est son deuxième recueil chez le même éditeur.


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