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Caroline DI PAOLO


Ce blanc qui sonne comme un silence



Devenir sourde est très dur mais devenir sourde quand on adore l’opéra et la musique est encore plus insupportable. C’est ce qui arrive à Odette qui chante et danse partout, et en plus d’aimer la musique et l’opéra, aime jouer au théâtre.

Elle n’a pas de langue de bois. Elle se marie mais s’ennuie très vite. L’écriture est agréablement impertinente. Elle divorce mais se remarie avec un militaire avec qui elle va beaucoup danser.

Ses oreilles commencent à lui jouer des tours et la vie ne sera pas tendre avec elle. Elle  affrontera un deuil et la perte de son audition. Un matin, elle aura perdu 80% d’audition. Ne plus écouter de musique sera terrible, révoltant, destructeur.

Devenir sourde modifie son rapport au monde : « La surdité n'est pas d'entendre moins mais plutôt d'entendre tout, comme un désordre profond de la perception qui confond le près et le loin, l'important et le futile. Parole précieuse et bruits parasites fusionnent de telle manière que la première devient inaudible. Privé de signification, le son se change en boule de plomb et percute le cerveau avec la violence du coup de poing. »

« J'ai enterré mes oreilles. J'avais enterré mon père et ma tendre grand-mère, un mari et bien des amis, mais mes oreilles, ce fut autrement douloureux. J'avais laissé un organe de moi dans un trou sous la terre. »

« Le poignard de la réminiscence me remuait les côtes. Comment – je criai, je tombai à terre, je frappai le sol – comment renoncer à ce qui fait vibrer le cœur et danser le corps ? Où sera la joie sans le petit air gai entonné avec légèreté ? Comment désormais chasser les heures noires et faire triompher la vie. À genoux sur l'amas de poussière, je les suppliai de ressusciter : Revenez à moi, rendez-moi la croche, le dièse et le triolet. » Accepter que la surdité est définitive est inadmissible.

La fuite sera une façon de lutter, elle s’isole, voyage puis elle ira s’installer dans un village où vivent des sourds pratiquant la LSF, langue des signes française, mais sa langue est la langue orale donc ce sera compliqué : « Mon statut de sourde oralisante me coûtait bien des reproches. »

Elle se bat pour se reconstruire. Nous découvrons les difficultés rencontrées au quotidien quand on est sourd, les moments de découragement avec cette perte, cette amputation, puis les espoirs, les combats pour se reconstruire avec un autre corps, avec des oreilles qui ne jouent plus leur rôle. Comment retrouver une harmonie ? Odette cherchera en elle-même la force de vie pour redevenir heureuse et femme à part entière.

C’est un premier roman émouvant, très métaphorique qui montre bien que jamais il ne faut s’avouer vaincu malgré les épreuves qui jalonnent une vie.

Brigitte Aubonnet 
(15/07/19)    



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Caroline  DI PAOLO, Ce blanc qui sonne comme un silence
Erickbonnier
(Avril 2019)
216 pages - 18 €