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Stéphanie KALFON

Attendre un fantôme


« Être malheureux, c’est attendre un fantôme. » Ainsi se termine en beauté le nouveau livre de Stéphanie Kalfon. On lui devait le sublime Les parapluies de Satie, une biographie romancée et surtout éprouvée de la vie du compositeur. Avec Attendre un fantôme, l’auteure nous plonge dans le roman ou, plus exactement, dans le récit, dans l’intime d’un sujet, d’un personnage, d’un état de douleur à traverser.

Jeff est mort, emporté dans un attentat en Israël. Kate l’apprend après coup : elle était en vacances et on a voulu la protéger, ne pas gâcher son séjour. On lui a plutôt retiré la mort de Jeff, son enterrement, la vision de son corps, tout ce qu’elle aurait aimé faire et voir en tant que compagne, ex compagne, future nouvelle compagne – quelle importance que le titre ? Elle l’aimait.

À défaut d’avoir vu ce corps, Jeff ne la quitte pas. Comment faire le deuil d’un invisible ? Attendre un fantôme nous en livre précisément le parcours, via une composition originale : non linéaire et pourtant chronologique. Une composition comme en spirale, qui cherche à traduire plus qu’à raconter.

L’auteure ajoute également de très belles pages sur le non-dit et sa (la) violence au sein des familles. Les rapports mère-fille, père-fils, autant de nœuds que le roman s’attache à dénouer ou révéler, dans une langue riche, presque précieuse. Tous les jeux de manipulation sont rendus quant à eux dans des dialogues qui relèvent souvent de l’hyper réalisme.

On sent ainsi que Stéphanie Kalfon maîtrise plusieurs voix, presque plusieurs langues, et qu’elle cherche peut-être un style à affirmer. On sent une auteure au travail. Une auteure sincère, amoureuse des phrases et de leur sculpture. Une auteure exigeante, qui n’a pas sa pareille pour décrypter toutes les menues ficelles qui nous agissent, nous les êtres.

Un roman à lire pour se convaincre que la mort ne doit jamais être un sujet tabou. Qui montre aussi toute la fragilité du deuil. Toutes ses subtilités.

Isabelle Rossignol 
(02/09/19)    



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Joëlle Losfeld

(Août 2019)
144 pages - 15 €





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le premier roman
du même auteur :


Les parapluies
d’Erik Satie