Ce roman est construit sur du secret, des surprises et des rebondissements. Pas question bien entendu de révéler ce que le lecteur ne doit découvrir qu’au fil des pages mais on peut néanmoins dire quelques mots de Mona, cette jeune fille qui assume trop tôt des responsabilités trop lourdes.

Tout commence presque par hasard à un carrefour où se sont installés des gendarmes pour guetter d’éventuels conducteurs en infraction.
Nicolas Pelletier, gendarme, « aurait pu laisser couler. Elle avait marqué le stop, il ne manquait pas grand-chose. S'il n'y avait pas eu les directives de la préfecture les incitant à la sévérité après les destructions de radars et le mouvement des Gilets jaunes, il aurait sans doute lâché l'affaire. D’autant qu’à en juger par l'état du véhicule, son propriétaire n'avait visiblement pas besoin d'une amende pour plomber ses comptes. Il a soupiré et s'est résigné à faire un pas en avant. Quand il a découvert la conductrice, il a même franchement regretté de ne pas l'avoir laissée poursuivre sa route. Elle ne devait pas avoir son permis depuis bien longtemps, à en juger par son allure de gamine. Quand il s'est penché par la vitre baissée et qu'il a découvert le bébé sanglé dans son siège à l’arrière, il a été surpris. »

La conductrice, c'est Mona, dix-sept ans, qui conduit donc sans permis, et emmène son demi-frère, Justin, un bébé d'un an, à l'hôpital après une nuit de forte fièvre.
Mona conduit prudemment et n'a jamais commis d'infraction jusqu'à ce stop où elle n'a pas pris le temps de s'arrêter franchement. Mais le gendarme Pelletier, pour les raisons expliquées ci-dessus et par conscience occasionnelle, sent que la situation n'est pas totalement claire. Après avoir escorté la jeune fille jusqu’à l’hôpital, il décide de poursuivre quelques recherches pour en savoir plus. C'est le début d'un engrenage auquel Mona ne pourra pas échapper.

Elle vit seule avec sa mère dans une petite ville loin de tout. « Quand on s'est installées à Saint-Guillaume, les gens du coin nous ont expliqué qu'autrefois, il y avait eu plus de trente commerces dans le bourg. En l'an 2000, on trouvait encore une poste et un notaire. Maintenant, faut se taper trente bornes aller-retour rien que pour aller chercher un recommandé. Quant à l'agence de Pôle emploi, alors que Nogent est seulement à douze kilomètres, Christelle devait aller à des rendez-vous à l'agence de Mortagne, à vingt-sept kilomètres, soit cinquante-quatre kilomètres aller-retour, rien que parce que Saint-Guillaume est dans l’Orne et que Nogent, c'est l'Eure-et-Loir ! »
Mona et sa mère connaissent toutes les difficultés de la vie en zone rurale que dénonçaient les Gilets jaunes.

Le père de Mona est mort quand elle avait quatre ans. Christelle (Mona ne l'appelle jamais maman) a fréquenté quelques hommes jusqu'à sa rencontre avec Anthony, un chauffeur poids lourd violent qui a disparu de leur vie quelque temps après la naissance de Justin.
Christelle a bien essayé de faire quelques petits boulots mais Mona a dû arrêter ses études pour s'occuper du bébé et les salaires de temps partiels passaient dans les frais de carburant.

C’est tout cela que le gendarme découvre assez vite mais il n’est pas au bout de ses surprises et le lecteur non plus. Patrick Bard vient du polar, il aime les enquêtes et le suspense, et ce roman s’en ressent de façon inattendue au fil des pages. Il paraît dans une collection pour « jeunes adultes » et c’est vrai qu’il peut toucher un large public par son écriture, sa tension, sa construction et les thèmes qu’il aborde avec beaucoup d’empathie et d’intelligence. À peine a-t-on terminé ce livre qu’on n’a qu’une envie, se plonger dans les deux précédents parus chez le même éditeur.