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Gail GODWIN


Villa Chagrin


Après la mort de sa mère, Marcus, onze ans, est confié à une grand-tante installée sur une île en Caroline du Sud. Au fil du roman, nous l’accompagnons, le temps d’un été, pendant la découverte de ce nouvel univers, le lieu et ceux qui l’habitent ou y ont vécu. Nous suivons l’évolution de ses pensées, ses questionnements surtout, sa crainte de ne pas réussir à préserver son intégrité mentale face aux souffrances liées à la perte de sa mère et aux secrets qu’il n’a jusque-là révélés à personne.

Marcus a d’abord vécu en Caroline du Nord où sa mère travaillait dans une fabrique de meubles jusqu’à ce qu’il agresse violemment le fils du patron. « Je l'ai attrapé par ses magnifiques cheveux coupés chez le coiffeur, je lui ai cogné la tête contre le mur et le sang a coulé sur les pierres. L'enfant asthmatique a haleté, s'est étouffé et s'est arrêté de respirer. Tout le monde, y compris moi, a cru qu'il était mort. Mais j'ai continué à frapper ce joli petit visage soigné jusqu'à ce que les autres m'écartent de lui. »
Marcus est pourtant un enfant gentil, serviable, attentionné. Cet acte semble incompréhensible et il en gardera la raison secrète (sauf pour le lecteur).
Heureusement, le garçon n’est pas mort mais Marcus et sa mère ont dû quitter la région pour s’installer à Jewel où elle est morte dans un accident de voiture. Elle n’avait pas voulu lui révéler le nom de son père, promettant de tout lui expliquer quand il serait plus âgé. Elle est partie avec son secret…

Après un passage en famille d’accueil, il rejoint « tante Charlotte » (en fait, la sœur de sa grand-mère maternelle), une femme indépendante et déterminée, qui vit de sa peinture. « Les gens aiment les tableaux de bord de mer. Mon style tend vers le primitif et ça aussi c’est un atout, ne me demande pas pourquoi. » Un de ses sujets favoris est une des plus anciennes maisons de l’île qu’on lui a déjà commandée une cinquantaine de fois, « une ruine qui a quelque chose d'envoûtant, qualité que j'essaye encore de faire ressortir dans mes tableaux. Va jusque là-bas, tu comprendras. C'est le dernier bâtiment à la pointe nord de l'île. Elle est à moitié détruite mais il y règne une atmosphère puissante. Les gens d'ici l'appellent Villa Chagrin. […] Toute une famille y a disparu dans l'ouragan Hazel. Le père, la mère et le fils. Les parents affolés sont partis à la recherche de leur enfant alors qu'il était peut-être encore à l'intérieur. En tout cas, aucun d'entre eux n'a jamais réapparu. Certaines personnes pensent que le jeune garçon s'était caché quelque part dans la maison pour fumer. Que c'est comme ça qu'a commencé l'incendie qui a brûlé la partie sud de la villa, mais on n'a jamais retrouvé de corps. D'autres croient que quand il a compris que ses parents étaient allés le chercher il s'est précipité dehors et a été emporté par une vague. Mais son corps n'a pas non plus été rejeté sur la plage. »
Evidemment, cette « Villa Chagrin » et le mystère qui l’entoure vont jouer un rôle important dans l’imaginaire et la vie de Marcus qui s’y rendra le plus souvent possible.

Une cohabitation pacifique s’instaure entre cet enfant poli, toujours prêt à rendre service, à faire les courses, le ménage ou la lessive et cette grand-tante au tempérament plutôt rugueux qui s’isole dans son atelier nuit et jour avec ses pinceaux et ses bouteilles de vin. De temps à autre, ils se retrouvent pour bavarder, échanger quelques confidences. Une relation discrètement affectueuse, où chacun veille sur l'autre, sans grandes effusions.

D’autres personnages vont compter pour Marcus pendant cet été.
D’abord Lachicotte Hayes, un ami de Charlotte, passionné de voitures anciennes, qui va aider Marcus à choisir son vélo, le conduire à la bibliothèque et lui apprendre pas mal de choses sur l’histoire de l’île et de ses habitants.
Et puis Ed Bolton, un retraité qui protège la reproduction des tortues caouanes venues pondre sur l’île. Bientôt, des centaines d’œufs vont éclore dans le sable et les petites tortues se précipiteront vers la mer en traversant la plage.
Sans oublier Coral Upchurch, une voisine de quatre-vingt-quinze ans dont le fils, aujourd’hui décédé, connaissait bien le garçon de la Villa Chagrin disparu le jour de l’ouragan, cinquante ans plus tôt.

C’est une véritable enquête que va mener Marcus pour en savoir plus sur cette famille disparue dans la tempête, une famille venue du continent et qui louait cette villa, une famille dont tout le monde semble avoir oublié le nom, une famille dont le fils lui est apparu comme un fantôme dans un reflet de soleil sur le seuil de la maison en ruine. À la fois enquête et quête d’identité pour Marcus qui ignore le nom de son père et se débat entre ses souvenirs, sa culpabilité et ses secrets.

Après Flora, où une narratrice revenait sur l’été de ses onze ans, Gail Godwin réussit encore un roman aussi passionnant qu’émouvant, avec un enfant confronté par plusieurs côtés à la mort et qui va devoir affronter fantômes et démons intérieurs pour pouvoir grandir.

Serge Cabrol 
(15/06/20)    



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Lectures








Joëlle Losfeld

(Mars 2020)
336 pages - 22 €


Traduction de l'anglais
(États-Unis)
Marie-Hélène Dumas












Gail Godwin,
née en 1937, est l'auteur
de seize romans dont
trois ont été finalistes
du National Book Award.



Visiter le site de l'auteur
(en anglais)
www.gailgodwin.com











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