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« Je serais née dans une maternité SS : un Lebensborn. Je ne sais pas lequel. Il en aurait existé trente-quatre pendant la Seconde Guerre mondiale. Dont neuf en Norvège. Où ma mère aurait accouché. » Le roman d’Oscar Lalo se présente comme le journal d’Hildegard Müller, 76 ans, qui aurait engagé un « scribe », comme elle le nomme, pour essayer de comprendre et témoigner de son existence et plus largement de celle de ces enfants de la honte, ces enfants de boches, ces enfants de nazis, conçus dans les « Lebensborn », ces pouponnières-laboratoires inventées par Himmler pour concevoir une armée de purs nazis. Le livre est construit en fragments. « Peu de lignes par page pour aérer cette Histoire qui m’étouffe. » Hildegard sait à peine lire et écrire. Alors elle parle, le scribe enregistre, écrit le soir et lui lit le texte le lendemain. C’est évidemment très émouvant de suivre ce travail au jour le jour, d’entendre cette femme évoquer la honte d’une petite enfance, de la naissance à deux ans, dont elle n’a aucun souvenir mais qui a fait d’elle une paria. Elle est née en 1943 dans un Lebensborn mais en 1945, après le suicide d’Hitler, les SS ont détruit le plus d’archives possible. « Je suis peut-être norvégienne. En fait, à cause de l'avancée des troupes alliées, les SS auraient trimballé tous les enfants des Lebensbom dans des camions direction Steinhöring. Ce qui confirme que nous sommes bien "les enfants de la honte". La leur. Pas la nôtre. Il faut arrêter de nous la faire porter. J'écris ce journal aussi pour ça. Pour nous laver de la honte SS. » Le Lebensborn de Steinhöring se trouvait à quarante kilomètres de Munich. C’est là que les soldats américains ont découvert les enfants regroupés et abandonnés. Hildegard s’est mariée avec un homme né dans un Lebensborn en France et ils ont eu trois enfants. C’est tout ce que nous saurons du reste de sa vie. « Tout ce dont ma mémoire se souvient et dont elle se serait bien passée, je ne vous le raconterai pas. Pas ici. Pas maintenant. Il s'agit d'un autre livre que je ne suis pas certaine d'avoir envie d'écrire. » Le scribe est arrivé avec deux valises de livres et Hildegard lui a demandé de lui faire la lecture, en commençant par Le Journal d’Anne Frank, puis Hannah Arendt, Le procès de Franz Kafka… En fin d’ouvrage, l’auteur fournit une abondante liste de ses sources, une douzaine de pages de livres et de films pour mettre en lumière tous les aspects de cette monstrueuse tragédie. Après Les contes défaits qui évoquait ses séjours d’enfant dans un centre de vacances géré par un couple pervers, Oscar Lalo réussit un deuxième roman aussi émouvant que passionnant sur les traces indélébiles que l’enfance volée laisse dans le corps et l’âme d’adultes subissant une honte dont ils ne sont pourtant que les victimes.Serge Cabrol (27/08/20) |
Sommaire Lectures Belfond (Août 2020) 288 pages - 18 € (Septembre 2021) 288 pages - 6,95 €
Découvrir sur notre site son premier roman : Les contes défaits |
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