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Cette ville fantastique (et imaginaire) trouve ses racines dans deux expériences bien réelles. Tout d’abord, Fordlândia (voir la page Wikipédia), une ville-usine créée par Henry Ford en 1928 en pleine forêt vierge pour exploiter le caoutchouc naturel nécessaire pour la fabrication des pneus et abandonnée peu après. Henry Ford aurait perdu vingt millions de dollars dans l’aventure. Ici, le promoteur de cette gigantesque utopie est l’héritier de l’immense fortune constituée par son père, Amadeus Severo Flynguer, un électricien américain venu au Brésil à l’invitation d’un cousin, qui a su profiter de l’électrification du pays au début de XXe siècle pour créer sa propre compagnie et investir ensuite « dans tous ce qui allait avec : les transports, le télégraphe, le téléphone… » La société Flynguer & Cie « se diversifia et étendit ses activités à toute la région Sud, qui englobait à l'époque São Paulo et Rio de Janeiro, en commercialisant aussi des articles de luxe, de l'électroménager, des ventilateurs, des calculatrices – tout ce qui était synonyme de technologie et de modernité. Et dans le divertissement, cela signifiait le cinéma. » Tout cela, nous l’apprenons dans un prologue d’une trentaine de pages grâce à un journaliste, Tiago, qui a interviewé João en 1981 et obtenu le récit détaillé de cette rencontre avec Disney er les équipes de dessinateurs qui l’accompagnaient. En 1984, Tiago est à nouveau contacté par João Flynguer pour écrire un livre sur un vaste projet en cours d’achèvement. C’est alors que le journaliste entend parler pour la première fois de Tupinilândia, un vaste complexe construit secrètement dans la forêt amazonienne comprenant plusieurs parcs à thème et une ville susceptible d’héberger des centaines d’employés et des milliers de visiteurs. João a maintenant soixante ans et, depuis plusieurs années, ne s’intéresse plus qu’à l’élaboration et la construction de Tupinilândia. Il a deux enfants, Héléna et Roberto. C’est Héléna, mère elle-même de deux enfants, qui a repris, avec beaucoup d’énergie et de fermeté, la gestion de l’immense groupe Flynguer. Roberto, que connaît bien Tiago, profite de la vie et de l’argent, officiellement responsable du divertissement et du cinéma. 1984, c’est la fin de la période de dictature militaire qui règne sur le pays depuis vingt ans. Le pouvoir doit être remis aux civils à la suite d’une élection démocratique et le nouveau président pourrait venir en personne à l’inauguration de Tupinilândia. Pour la deuxième partie, nous nous retrouvons trente ans plus tard, et des archéologues ont obtenu une bourse pour aller voir ce qui reste de Tupinilândia, cette vieille utopie des années 80 abandonnée dans la forêt amazonienne. Une petite équipe de spécialistes constituée autour d’Artur, archéologue et professeur à l’université, se rend sur place pour étudier, photographier et cartographier les vestiges de cette ville artificielle coupée du monde. Ce roman brasse de nombreux thèmes : la dictature, la nostalgie du nationalisme et du totalitarisme, les années Sida, l’extermination des Indiens (le parc comprend un Musée de la Honte), les atteintes à la forêt amazonienne, l’importance du travail de mémoire (journalisme, écriture de fiction, archéologie) et tant d’autres encore… Tout cela mené de main de maître par l’auteur avec beaucoup d’érudition, de verve et d’humour. Les aventuriers au pays des utopies, une véritable fresque pleine de rebondissements, de bruit et de fureur. Serge Cabrol (01/10/20) |
Sommaire Lectures Métailié (Septembre 2020) 512 pages - 23 € Version numérique 14,99 € Traduit du portugais (Brésil) par Hubert Tézenas
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