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Paul MORACCHINI


Aotea

Une drôle d’histoire que ce roman. Le récit d’évènements qui se déroulent sur quelques mois, avec les commentaires assortis sur les comportements et mœurs de trois jeunes hommes qui se retrouvent dans un manoir en Nouvelle-Zélande. Un pays qui « dépayse » ou peut paraître isolé, peut-être chaud. Mais la mer est là, omniprésente.

Ce roman commence donc par les retrouvailles de trois amis, Joshua, Justin et Bradley, réunis pour aider ce dernier à retaper le manoir dans lequel ils vont tous séjourner. Ces trois camarades peuvent être paresseux à l’occasion, souvent éméchés, et, pour deux d’entre eux, passionnés de pêche. Ils sont jeunes et apparemment de caractère très différent. Alors l’analyse va s’insinuer, et les sentiments se retourner, ou se préciser, au gré des cuites, ou des parties de pêche en mer, de même que les relations avec les "filles" emmenées sur le bateau ! Les questions qui se posent peuvent nous parvenir directement ou nous revenir avec un léger recul version boomerang. Et justement celles concernant la belle Cassandra, mère d’un petit garçon, Elliot, qu’elle a eu avec Bradley, son ex-compagnon. Cassandra a, semble-t-il, une vie indépendante et quelque peu compliquée.

Mais voilà qu’elle disparaît brusquement, laissant son fils, et va rester introuvable… ce qui n’est pas sans inquiéter tout le monde.
« Les enquêteurs, archétypes d’une police rurale et maladroite, nous avaient révélé que leur attention était tournée vers le bar louche où Cassandra avait été serveuse, voire entraineuse ».
Quelque temps après, un jour de beuverie, Bradley déclare « J’l’ai butée, zigouillée, coupée en morceaux ». « Il est passé des pleurs à un rire mesquin qui a tout de suite sonné faux. Avec Joshua et les copains soiffards qui traînaient dans le salon, on s’est bien marrés. »
Cette disparition, avec les propos de Bradley qui, par ailleurs, semble peu concerné, mais montre les textos qu’il reçoit de Cassandra, entraîne un certain malaise. La police vient plusieurs fois au manoir, et l’atmosphère prend un arrière-goût qui risque d’envenimer les relations entre ces trois amis. Et le sel de ce drôle de suspense de faire grincer quelques mâchoires.

Au début du roman, le premier chapitre situe le narrateur. « Je suis l’ami musicien, paumé, que la générosité de Josh accueille dans cette grande demeure d’artistes en rénovation. Et cette étiquette de vagabond bohème et arriviste me colle aux bonbons comme une tablette de Whittaker’s à son emballage un jour d’été. » Il ne sera pas le seul narrateur, mais les propos rapportés et les actes décrits ne feront que complexifier la situation. Et chacun interprètera et réagira à sa façon :
« Et c’est ainsi que je suis parti passer un week-end loin du manoir, son emprise me pesait sur la nuque, et ses occupants me font l’effet de gargouilles éternellement accrochés à leur corniche. » Ou encore « Peut-être plus encore pour moi que pour Josh, la pêche c’est ma raison de vivre. La finalité dans chaque chose que j’entreprends c’est la pêche. […] C’est une passion dévorante qui m’a coûté beaucoup : famille, filles, jobs ou autres, mais au bout du compte, sans cette passion, je n’aurais surement pas eu la force de me relever dans pas mal de situations. »

L’atout majeur de ce roman est à la fois ce style libre, direct, qui traduit justement les états d’âme de ses personnages, avec ces monologues, pour nous mettre bien au diapason, et nous étonner, et cette sorte de désinvolture dans les propos, les mots. Désinvolture qui n’est sans doute qu’apparence. Car l’écriture elle-même, ambiguë, nous capte et passe de descriptions pleines d’humour à des réflexions plus aiguës jouant la banalité.
Des exemples dans ce contexte riche en couleurs et émotions diverses où l’atmosphère de ce pays, de ce lieu, avec quelques élans presque lyriques des protagonistes, laisse venir ce plaisir des découvertes qui nous touche alors …
Comme celui de lire ces petites envolées astucieuses et délectables, s’il en est !
« Cette baie compte plus d’une centaine d’îlots plus ou moins isolés et déserts. C’est un endroit magnifique, une palette de peintre. La mer, le plus souvent bleu vert, porte cette constellation d’îles rocheuses couvertes de verdure. Et pour celui qui sait chercher, il y aura toujours une petite langue de sable blanc et fin pour accoster »
Ou encore ce récit : « C’était mon exutoire d’un temps, mon extase passagère : celle qui donnait encore un sens à ma nuit. À bout de bras, jusqu’à l’aube nous nous étions portés vers le rivage d’un jour meilleur. Dans la clarté du levant, nos corps assoiffés s’étreignirent une dernière fois, comme pour presser l’ultime sève et la répandre sur les craquelures d’une terre aride. »

Mais Paul Moracchini peut passer aussi de l’image poétique à la plus triviale évocation : « Ah ! Le bonheur de posséder un petit lavabo mural dans sa chambre ! Quand on est un homme, bien sûr. Un gentleman ! Le plaisir de se lever en pleine nuit pour y pisser un coup ; les valseuses directement collées à la céramique froide. Un simple contact qui a des allures de nature morte ou bien de haute gastronomie : Couilles chaudes sur porcelaine blanche. »

Une lecture surprenante, accaparante, légère parfois ? Rien n’est moins sûr...

Anne-Marie Boisson 
(05/10/20)    



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Buchet-Chastel

(Mars 2020)
288 pages - 18 €












Paul Moracchini,
auteur-compositeur-interprète, vit entre la Corse et Nice. Aotea est son deuxième roman.









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son premier roman :


La fuite