Retour à l'accueil du site | ||||||||
Les fêtes de Noël approchent, la neige masque le paysage et étouffe les bruits. De gros flocons tombent sur la grande ville de l’est de l’Europe où résident Dora, Théa et Sia. Toutes trois fréquentent la même piscine au moins une fois par semaine et souvent aux mêmes heures. Elles ne se connaissent pas mais se reconnaissent et se saluent d’un geste de tête ou d’un sourire. « Si on les observe nager un constat s’impose : la plus jeune est la plus rapide, celle du milieu à la meilleure technique, la plus âgée avance avec plus de grâce. » La benjamine s’appelle Théa. C’est une étudiante en histoire de dix-huit ans, passionnée de photo argentique depuis son enfance, qui dort seule dans la petite chambre où elle a emménagé sous les toits sans eau mais avec un espace aménagé pour le développement des clichés. Pour la toilette et les repas, elle retrouve ses parents qui habitent dans le même immeuble à un étage inférieur. La grand-mère qui l’a en partie élevée vient d’être hospitalisée pour une vilaine pneumonie et la jeune fille discrète au beau sourire a obtenu des infirmières l’autorisation de passer lui rendre visite brièvement mais régulièrement. Pour ces trois femmes, les fêtes ne ressembleront pas à celles des années précédentes et leurs vies en seront irrémédiablement chamboulées. Théa apprendra de la bouche de sa grand-mère un terrible secret la concernant enfoui au plus profond de l’histoire familiale et Dora découvrira presque par hasard le mensonge dans lequel ses parents l’on fait vivre si longtemps. Quant à Sia, elle se verra confier par la Bibliothèque nationale, pour en attester ou non de l’authenticité, un manuscrit inconnu qui aurait été écrit à la fin de son existence par l’écrivain tant admiré et maintenant célèbre dont elle croyait avoir publié et étudié la totalité de l’œuvre. « Plus on sonde les mots, plus on se retrouve rejeté au loin, dans un océan d’incertitude. » La neige continue à tomber... Imbriquées dans le texte, des peintures non figuratives et informelles d’Armelle de Sainte Marie, qui jamais n’illustrent ou ne transposent ce qui s’écrit, viennent enrichir le récit. Et la contemplation de ces formes libres qui se déploient et se diluent, y laissant deviner par instants des algues, des végétaux terrestres ou une faune à la limite du fantastique, de vagues portraits humains inachevés parfois, reflètent la même distorsion du temps et du réel, le même trouble, que le récit développé par fragments et sans le moindre souci de ressemblance par Zinaïda Polimenova. Ce récit empreint de mystère construit à partir d’un improbable chassé-croisé qui articule ces trois existences, l’écriture fluide (bien évidemment) et éminemment poétique de Zinaïda Polimenova (précédemment auteure de plusieurs recueils de poésie) qui donne son souffle au récit, nous transposent dans un univers d’intranquillité qui met nos sens en désordre ou en alerte. Car derrière le récit initiatique qui évoque la capacité de l’être humain à résister au temps, c’est avant tout la réalité, le monde et la langue elle-même qu’en profondeur l’auteure interroge. Pour faire écrin à cet ouvrage poético-romanesque et graphique, les éditions du Chemin de fer ont conçu un objet sobre et élégant, tant par le papier, la qualité d’impression des peintures que par le cartonnage à rabat, en parfaite adéquation avec la délicatesse, l’exigence et la sophistication du contenu. Un choix qui n’est pas étranger au plaisir de s’immerger dans ce Vertige de l’eau même si pour entrer dans ses flux et reflux, il faut accepter de se laisser porter par l’inconnu et donner libre cours à notre intuition et notre ressenti. Une belle expérience. Dominique Baillon-Lalande (26/11/20) |
Sommaire Lectures Chemin de Fer (Octobre 2020) 112 pages - 14 € Peintures Armelle de Sainte Marie Voir la page de chaque artiste sur le site de l'éditeur : Zinaïda Polimenova Armelle de Sainte Marie |
||||||