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Emigrées espagnoles, la fillette, sa mère et sa sœur, posent leurs valises à Algeren 1955, rejoignant le père, maçon de son état, qui s’y trouve déjà pour avoir fui le franquisme... Outre les retrouvailles, quel bonheur entre la beauté d’Alger décrite comme éclatante dès les premières lignes du livre, à la manière d’un coup de foudre pour la ville bien-aimée ; le travail à profusion et l’appartement du quartier Belcourt : « Lorsque nous vivions à Belcourt, notre vie se déroulait paisiblement dans un minuscule appartement de deux pièces qui pour nous, était la « gloria » s’extasiait ma mère, c’est-à-dire le paradis absolu. » ! Un bonheur qui se trouve entretenu par l’harmonie qui unit une famille travailleuse et heureuse, sous la houlette d’un père admiré et d’une mère nourricière... Ah ! Que les dimanches sont doux au quatuor enfin réuni et dégagé des obligations des autres jours de la semaine. L’histoire de cette famille attachante, écrite dans un style fluide et très maîtrisé, captive le lecteur aussi bien par ses singularités, comme le contexte algérois de l’époque, que par son aspect universel qui convoque les souvenirs de toute femme : le lait condensé sucré ou les gourmandises de la petite fille, les chemins de l’école, les cours de couture et de gym, les premières menstrues, les flirts et les premières déceptions... Bref toutes ces premières dont on se souvient avec nostalgie parce qu’on était si jeune ! Rosa Cortès insiste très justement sur l’importance fondamentale de l’amitié au temps de l’adolescence, période de la vie où l’on joue à l’équilibriste entre rêveries (ah ! se prendre pour la princesse Margaret) et affabulations d’un côté – c’est pour épater les copines –, et découverte de soi et recherche d’argumentation, de l’autre – c’est pour devenir grande et ne pas se sentir toujours tenue à l’écart des décisions parentales : « Mes parents étaient quand même terribles avec leurs secrets. Ils décidaient, organisaient, élaboraient et nous les filles, on était mises devant le fait accompli. » Les sept années sur lesquelles se déroulent ces chroniques recouvrent à peu près la durée de la guerre d’Algérie dont le début des hostilités date de 1954 ; pour se terminer avec les accords d’Evian, en 1962. Au début, on parle de « troubles » ou d’« événements » ; Rosa Cortés et sa famille les constatent avec la neutralité qui sied à des émigrés : « Ils (mes parents) se sentaient honorés d’être reçus par ce pays et, comme des hôtes respectueux et reconnaissants, ne jugeaient pas les crises qui l’agitaient. », puis c’est l’inexorable progression vers toujours davantage de haine, toujours davantage de violences. Le récit se fait alors plus impersonnel en raison d’un regard, qui n’est pas partie prenante dans le conflit, et aussi de la vie d’une écolière qui se trouve circonscrite à un tout petit territoire, toujours le même : « Au fond, ma vie se réduisait à un chemin balisé entre l’école et la maison. » En conclusion, « La douceur de l’anisette » n’est pas un énième livre sur la Guerre d’Algérie mais bien un livre sur l’adolescence, sur l’amour et l’amitié. L’amour des parents, l’amour d’une ville éclatante, l’amour de la vie... Toutes valeurs en perte de vitesse qu’on a tant de bonheur à retrouver dans cet ouvrage à lire de toute urgence par les temps qui courent. Dominique-Marie Godfard (02/12/20) |
Sommaire Lectures Chèvre-feuille étoilée (Novembre 2020) 186 pages - 17 € Version numérique 9,00 €
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