C’est Louise, une lycéenne de dix-sept ans, qui raconte à l’auteur comment ce phénomène est apparu et s’est étendu partout dans le monde, comment les filles atteintes ont été humiliées et rejetées, comment certaines se sont regroupées et lancées dans le combat pour la dignité et le respect des « Félines ».

La première fois que Louise a été confrontée à cet étrange phénomène, c’était dans les cabines de douche de la piscine.
« Quelqu'un avait tiré sur la serviette rouge qui enveloppait le corps d'Alexia. Le tissu s'étalait à ses pieds comme une flaque écarlate. Elle était seule, au milieu du cercle des autres filles. Et personne ne disait rien. Tout le monde regardait son corps. Son corps recouvert de poils. Des poils noirs et ras qui couvraient son torse, ses épaules, ses cuisses. Presque un pelage. Un pelage de bête. »

Quand Louise cherche des informations sur ce qui arrive à Alexia, elle tombe sur une vidéo tournée dans un pays asiatique où une fille au corps couvert de poils est lapidée par une foule haineuse et déchaînée.
Après Alexia, c’est au tour de Fatia, et rapidement, les cas se multiplient, ici et ailleurs.

« C'est totalement inédit, a expliqué ce chercheur dans une émission. Les hommes possèdent un chromosome X et un chromosome Y. Les femmes, deux chromosomes X. Chez les jeunes filles concernées, un gène est apparu sur le second chromosome X, ce qui fait que ce chromosome s'est transformé en autre chose. Un autre type de chromosome que nous ne connaissions pas. »

Entre-temps nous apprenons à mieux connaître Louise, les moments pénibles qu’elle a vécus, sa situation familiale, ses relations avec certaines copines ou avec Tom, un garçon un peu différent dont elle est amoureuse.

Quand elle est touchée à son tour par la Mutation, sa vie bascule mais son caractère rebelle l’empêche de sombrer dans la dépression ou de se soumettre à l’humiliation. Si on la menace, elle sort les griffes. Et ce ne sont pas les occasions qui manquent.

Car, face à ce nouveau fléau, des voix se sont tout de suite élevées pour stigmatiser, rejeter, isoler, ces créatures dépravées punies par la justice divine.
Cette parole de haine et de d’exclusion est portée haut et fort par Oscar Savini.
« Habillé de blanc, les cheveux bruns, jeune, beau et charismatique, il aurait pu être le gendre idéal ou le P.-D.G. d'une start-up. Mais non, il était le porte-parole de la Ligue de la Lumière. Pour lui, nous incarnions la dégénérescence, nous étions la première tache sur le corps moribond de l'humanité, les signes de la catastrophe imminente, l'annonce de l'Apocalypse. Quand la journaliste lui a demandé si tout ceci n'était pas excessif, s'il avait des preuves de ce qu'il avançait, il a répondu : "La vérité se trouve toujours du côté de Dieu". »
Contre Louise et les félines, c’est une véritable guerre qui est déclarée. Une guerre défendant des valeurs opposées, la haine et l’intolérance contre la liberté, la solidarité et le droit à la différence.

Le choix de la narration par Louise, jeune fille au caractère bien trempé, est une belle idée et ce roman est une nouvelle réussite pour Stéphane Servant qui a un talent fou pour mettre en scène des enfants ou des ados menacés, placés dans des situations surprenantes ou dangereuses, faisant preuve de courage et de détermination, des personnages que les lecteurs accompagnent avec autant de plaisir que de crainte. C’est que l’auteur sait y faire et même dans des univers violents ou anxiogènes, l’écriture reste poétique et pleine de tendresse. Une lecture aussi émouvante que passionnante.

Serge Cabrol 
(13/05/20)