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Thierry BRUN


Ce qui reste de candeur


Un récit à la première personne, sorte de journal, voire de confession, une analyse lucide à propos d’un enchaînement d’évènements et leurs intrications… Pièges, repérés ou non, comme ces imprévus qui vont déconcerter.
« C’était l’été et il faisait chaud. Le soleil n’épargnait personne à Mazamet. »

Notre héros, comme nous l’apprendrons, est planqué dans cette localité en attendant le procès du truand pour qui il travaillait. « Il m’arrivait à l’époque de Frank Miller de me terrer dans une chambre d’hôtel, à vomir sans arrêt. À me vider des tensions, de la peur qui ne me quittait pas, qui me rongeait. »

Devenu « repenti », à sa sortie de prison, il est protégé par la police, et le dénommé Rousseau de lui préciser : « Faites en sorte de ne pas vous faire remarquer ! Si vous respectez un minimum ce conseil, vous n’aurez rien à craindre, Thomas. » C’est ainsi qu’il se retrouve dans cette région, loin de Paris. « La maison était située en haut de Caunes-Minervois. Elle était éloignée de trois kilomètres de la plus proche habitation et se cachait derrière un plan rocheux qui la rendait presque invisible de la route. »

Notre héros a suffisamment d’argent, qu’il va déposer dans une banque de la ville. Il sait qu’il doit rester très vigilant, persuadé que son ancien patron, disparu depuis, va chercher à se venger, il ne lui pardonnera jamais sa trahison. Thomas a semé ici et là, des armes de défense dans des coins stratégiques de sa maison, n’étant pas non plus certain de l’efficacité de la protection de la police. Néanmoins, il s’est installé et a commencé à prendre ses marques dans le village. De même qu’il a pu tisser certaines relations de voisinage. On peut alors noter la capacité qu’a cet homme, enfermé dans cette nouvelle forme de liberté, de pouvoir jouir des plaisirs simples qu’il peut s’octroyer… comme boire ses « mauresques » par exemple !

C’est ainsi que cette façon qu’a l’auteur, Thierry Brun, d’évoquer les doutes et les pensées de son personnage, retient notre attention, et ceci, indépendamment du suspense en cours, car ce qu’il pourrait arriver à cet homme nous intéresse, et puis quoi qu’il ait pu faire, il nous est devenu sympathique !
« À mes réveils, dès les beaux jours, j’avais pris l’habitude de poser mes fesses sur les deux trois marches du perron et, mon bol de café en main, de me perdre dans une contemplation un peu béate de la vallée. […] J’aimais ces brouillards, ces aurores, cette luminosité aveuglante qui annonçait la chaleur, ce moment où les toits et les murs craquaient et où les lézards y élisaient domicile en se faufilant contre les pierres. »

Les problèmes vont venir avec l’entrée en scène de Delphine, « la femme de mon voisin immédiat, Adrian, garagiste à Mazamet et amateur de bière brune. » C’est donc par elle que les évènements vont se précipiter, actrice principale de leur enchaînement inexorable… alors que pourtant : « Elle n’était pas plus belle que d’autres femmes, mais elle dégageait un érotisme forcené, une espèce de pouvoir d’attraction hors normes. Ça tenait du prodige, de l’envoûtement. »
Et Thomas nous confie, après que la belle soit tombée en panne juste devant sa maison : « J’aspirais à la tranquillité. Je réclamais du silence, de la solitude et tout ce qui va avec : lire de bons bouquins, écouter un peu de musique classique. »

Rien n’est simple, et les aventures vont se multiplier autour de celui qui, manifestement, ne voulait pas les collectionner. Il va falloir cependant qu’il se débrouille avec ses voisins, et avec cette Delphine quelque peu atypique. Viendra-t-elle jouer un rôle déterminant ? Car il y a aussi le mari, le cousin de celui-ci et toute une série de personnages qui risquent de s’immiscer dans un quotidien déjà bien compliqué ! « En observant Delphine et Adrian du coin de l’œil, je ne vis que la folie. Elle contaminait la Ford. Je perçus aussi les premières flammes d’un brasier qui allait tous nous carboniser. »

Et ce qui est plaisant, au fil de cette lecture, outre le fait que l’auteur nous rapporte avec précision les réflexions de son personnage, c’est la pertinence actualisée de celles-ci. « Autant dire que j’avais cherché les ennuis, que je méritais ce qui m’arrivait. Une chose en ayant entraîné une autre, je me suis retrouvé à assister à un crime, à transporter un pauvre type avec son crâne défoncé en compagnie de son meurtrier… Imbécile ! »
Et comment cette lucidité peut alors s’associer à une paranoïa compréhensible.

L’auteur nous attrape bien ainsi et nous avons envie de savoir si, et comment, son personnage va pouvoir se sortir de cet imbroglio. Sans oublier ce qui peut le surprendre à tout moment…

Une lecture particulièrement agréable et, si nous ne voulons pas nous en tenir seulement à l’histoire racontée, à l’agencement des évènements relatés, personne ne nous empêche alors de la prolonger par des réflexions sur des thèmes dont il serait vain ici de suggérer la nature…
« À bon entendeur »… ou liseur..!

Anne-Marie Boisson 
(18/08/20)    



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Noir & polar










Jigal
(Février 2020)
192 pages - 17,50 €












Thierry Brun,

né en 1964, est
nouvelliste et romancier.



Bio-bibliographie
de Thierry Brun
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