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Natascha WODIN

Elle venait de Marioupol



À travers ce récit autobiographique et historique, Natascha Wodin mène l’enquête dans les Archives de l’Union Soviétique, qui viennent d’être ouvertes à la consultation, aidée en cela par son ami Konstantin et les moyens modernes d’aujourd’hui (internet…), à la recherche du passé de sa mère exilée d’Ukraine, de Marioupol, au bord de la mer d’Azov, cette ville offerte aux Grecs de Crimée, sous le règne de la Grande Catherine.

Cette chronique familiale reconstituée, et dont la généalogie est un peu ardue, s’étale sur pratiquement cent ans. Natascha Wodin nous raconte l’histoire de ses ascendants ukrainiens dispersés, depuis l’époque tsariste jusqu’aux années 2000, dans la mesure où ceux-ci sont liés au destin de sa mère.

Evguénia Iakovlevna Ivachtchenko, déportée en Allemagne, s’est suicidée à 40 ans alors qu’elle, Natascha, n’avait que 11 ans ; c’est la raison qui va la pousser à entreprendre ce voyage de mémoire, afin d’essayer de trouver une réponse à ses douloureux questionnements.

Au fur et à mesure du récit, c’est une descente progressive dans l’enfer et l’horreur de la Seconde Guerre mondiale où le destin de ses parents, travailleurs ukrainiens, a basculé comme celui de millions de Slaves – non juifs – qui ont été déportés, exploités comme des esclaves et parqués dans des camps de travail forcé, pour l’industrie et l’agriculture allemandes.

La peur de Hitler et de Staline, la faim permanente, l’horreur des camps, l’extermination, les violences, les injustices… Rien ne nous est épargné. Une traversée de l’Histoire, bouleversante et tragique, dont la triste réalité nous replonge au cœur de l’absurdité de la guerre, avec toutes ces vies broyées par la révolution bolchevique, le régime stalinien ou le national-socialisme.

Natascha Wodin nous livre ici un beau travail de reconstitution et de réhabilitation de sa famille, et rend un bel hommage à cette mère, disparue trop tôt, dont elle ne possède « plus rien d’elle, à part quelques photos en noir et blanc, une copie à l’envers de son acte de mariage et une icône sans doute apportée d’Ukraine autrefois ».

C’est aussi un hommage vibrant à toutes ces femmes qui se sont battues contre les pires humiliations ou injustices sous tous ces régimes totalitaires, et qui ont souvent payé de leur vie.

Une enquête au long cours, patiente et minutieuse, décourageante très souvent, mais toujours passionnante.

Un coup de cœur pour ce livre-document très précieux de Natascha Wodin, et un grand merci pour la note d’espoir qu’il instille, nous rappelant en même temps qu’au cœur des pires situations de l’existence, l’être humain conserve encore d’énormes ressources en lui, comme l’abnégation et la résilience.  

Un livre à lire sans attendre dans cette période difficile pour relativiser et canaliser nos émotions.

Nicole Martin-Caïdos 
(30/11/20)    



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Métailié

(Octobre 2020)
336 pages - 23 €

Version numérique
14,99 €


Traduit de l’allemand
par Alban Lefranc







Natascha Wodin,
fille de travailleurs ukrainiens déportés en 1944 en Allemagne pour y travailler, est née dans un camp pour personnes déplacées. Elle vit à Berlin depuis 1994 et est traductrice-interprète du russe. Elle est l’auteur de plusieurs romans.