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Alain BARATON


Dictionnaire amoureux des arbres


Tout le monde connaît Alain Baraton, le jardinier en chef du parc de Versailles. Mais ce dictionnaire amoureux est celui d’un « simple jardinier qui continue à s’émerveiller sur les arbres et ce qu’ils lui enseignent », un homme qui offre aux lecteurs avec talent et générosité les informations qu’il glane chaque jour sur leur histoire, leur particularité, leur poésie. Pour les arboriculteurs amateurs que nous sommes, c’est un trésor que nous feuilletons avec délice.

Nous avons découvert que l’ailante, qualifié de « peste végétale » par de nombreux jardiniers, peut éliminer tous les arbres susceptibles de lui faire de l’ombre grâce à une substance désherbante qu’il sécrète dans ses racines, feuilles, écorce et graines, l’ailanthone, empêchant les autres végétaux de germer. Et qu’il pouvait produire chaque année 350 000 graines….

Nous aimons et cultivons l’albizia julibrissin sans savoir que ce terme julibrissin signifierait en vieux persan « fleur de soie », raison pour laquelle l’arbre est aussi appelé « arbre à soie ». Ses fleurs ressemblent à un pompon soyeux formé d’un gros bouquet d’étamines.

Nous savions que Venise avait été bâtie sur des pilotis d’aulnes dont le bois est imputrescible. Mais nous ignorions que des forêts entières avaient été décimées pour soutenir la cité lacustre. « L’église Santa Maria della Sallute est considérée comme l’édifice reposant sur le plus de pilotis, à savoir près de 1,5 million. »

Le balsa, arbre tropical utilisé pour fabriquer des modèles réduits, maquettes et planches de surf, est un des bois les plus légers (120 à 160 kilos le mètre cube contre 690 kilos pour le chêne). Il a permis de construire des avions pendant la guerre, des bateaux encore aujourd’hui et plus étonnant, il entre dans les alliages constituant le squelette des éoliennes.

Le banian est l’arbre national de l’Inde. Un spécimen, vieux de 250 ans, a la taille de deux terrains de foot. Le baobab, dont la circonférence peut atteindre trente mètres, peut emmagasiner jusqu’à cent mille litres d’eau dans son tronc.

Les Anglais sont connus pour aimer le thé et cela depuis le milieu du XVIe siècle. « Pour réduire les dépenses, ils décident d’acheter des graines et de cultiver directement chez eux les petits végétaux, d’autant que, contrairement aux idées reçues, le climat londonien s’y prête parfaitement. C’était toutefois compter sans l’habilité légendaire des commerçants chinois qui prirent conscience que, en accédant à leurs demandes, ils perdraient une source confortable de revenus. Il se dit alors que, pour ne pas tomber dans le piège tendu par les Européens, ils leur cédèrent des graines de camélia du Japon et non de Chine.  Ce n’est qu’après plusieurs années de plantations que les Anglais s’aperçoivent qu’ils ont été bernés, constatant qu’il est impossible d’utiliser le feuillage en infusion. Fort heureusement, leur déception se transforme en ravissement quand ils découvrent au printemps une floraison superbe. Peu revanchards, ils désignent alors la fleur « rose chinoise » et jurent de ne plus chercher à produire eux-mêmes en Angleterre le précieux thé. »

L’auteur met à l’honneur les grands botanistes et explorateurs dont il cite les exploits et les travaux. Il permet ainsi d’éclairer l’étymologie des plantes : le forsythia doit son nom à William Forsyth, horticulteur anglais, le dahlia à Anders Dahl, botaniste suédois qui rapporta cette plante du Mexique.
De même, on comprend l’origine des noms d’usage de certains arbres. Ainsi, le cornouiller a un bois dur comme de la corne et est appelé « cornouiller mâle pour son utilisation virile, car on en faisait aussi des javelots, des lances et des arcs. […] Sitôt que j’aperçois une fleur, je souris, car je sais que l’hiver n’est presque plus et que vient le printemps. »
Le châtaignier, baptisé castanea a donné « castagne ».

Certains noms d’arbre proviennent de la mythologie. Cyparissos, un garçon qui a pour animal de compagnie un cerf superbe, le tue en manipulant maladroitement son javelot. Fou de chagrin d’avoir tué une bête qu’il chérissait, Cyparissos n’a plus qu’un souhait : mourir à son tour. Il prie les dieux de l’Olympe d’accéder à sa demande ou, à défaut, de verser sur la terre des larmes éternelles. Les dieux, compatissants, transforment le fautif en cyprès, un arbre qui symbolisera dorénavant la pénitence, le chagrin et le deuil.

Les arbres sont-ils dotés de la parole ? Alain Baraton fait sienne la réponse de Walking Buffalo, grand chef amérindien militant pour la paix et l’environnement : « Savez-vous que les arbres parlent ? Ils le font pourtant ! Ils se parlent entre eux et ils vous parleront si vous les écoutez. L’ennui avec les Blancs, c’est qu’ils n’écoutent pas. »
Ce dictionnaire, qui se lit comme un roman, est une belle introduction à la découverte du monde végétal pour les néophytes.

Nadine Dutier 
(02/12/21)   



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Alain BARATON, Dictionnaire amoureux des arbres
Plon

(Septembre 2021)
448 pages - 25 €

Version numérique
17,99 €


Dessins
Alain BOULDOUYRE












Alain Baraton,

jardinier en chef du Domaine national de Trianon et du Grand Parc de Versailles, est également chroniqueur sur France Inter et sur France 5. Il est notamment l'auteur du Jardinier de Versailles (Grasset), du Camélia de ma mère (Grasset) et du Dictionnaire amoureux des jardins (Plon). Il présente son émission La main verte le samedi
et le dimanche
sur France Inter.



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