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Dans ce recueil de dix-neuf nouvelles Claire Blanchard-Thomasset scrute la réalité contemporaine, se focalise sur des situations familiales ou professionnelles banales et ordinaires, les envisageant sous un angle plus psychologique que sociologique. Les personnages nous ressemblent ou nous sont proches et ce qu’ils vivent nous l’avons nous-mêmes souvent vécu ou entendu : Marjo qui s’apprête non sans appréhension à présenter celui qu’elle aime à ses parents tout en sachant que sa mère qui rêvait pour elle d’un beau parti appréciera peu le saltimbanque qu’elle s’est choisi (Présenter Eddy) ; Sonia qui a du mal à supporter le départ de la maison familiale de sa fille étudiante (Le gâteau au chocolat) ; Franck, viré de son entreprise à cinquante ans, dont Pôle emploi devient pour le pire et le meilleur le seul horizon (Senior) ; Antoine, mécanicien, devenu par la fantaisie de sa femme Toine puis Toutou, quittant le repas dominical au café pour sortir le Yorkshire Quenn-Mary (devenu Queen puis Kiki) afin de profiter d’un peu de solitude (Kiki)… Ce sont ainsi douze femmes et sept hommes, en prise avec le présent au moment où une brèche pourrait s’ouvrir vers un autre possible, que l’auteure met ici en scène. Les personnages se racontent au style direct à la première personne du singulier pour la majorité d’entre eux, nous faisant d’emblée entrer dans leur intimité. Seuls trois récits – Comme une pioche dont le personnage est un amoureux timide et maladroit qui n’ose se déclarer, Senior où un cinquantenaire depuis qu’il est chômeur subit une crise d’identité, Le charme de l’ancien où uneveuve septentenaire décide de vendre le pavillon de banlieue où leurs trois enfants ont grandi pour un deux-pièces à Paris où elle avait été autrefois étudiante et jeune épouse – se déclinent à la troisième personne y compris quand les personnages s’adressent à eux-mêmes pour s’encourager à sauter le pas. La nouvelle Madame se singularise. Elle est à la première personne du pluriel, comme si dans la foule du supermarché le regard de l’auteure avait été aimanté par une cliente au comportement assez étrange pour qu’elle lui imagine en toute liberté une vie et une situation qui expliqueraient un tel trouble, dans un scénario cette fois plus cocasse que réaliste ou sensible. La langue de Claire Blanchard-Thomasset est simple, limpide et fluide. L’auteure, dans son soucis de coller à son choix d’un réalisme du quotidien se tient au plus près de l’oralité, privilégie la concision et ne rechigne ni à l’emploi de la formule choc, ni à celui de l’humour : Confort ou liberté, fenêtre ou couloir, que choisir ? La variété des personnages et des situations dans leurs différences et leur complémentarité illustre avec sensibilité et délicatesse le couple que forment le désir et la peur face aux choix qu’offre l’existence, les nombreux paradoxes de l’être humain et le manque de confiance en lui-même de l’individu qui entrave son pouvoir de décision. Avec une distance respectueuse et un ton juste, entre intimité et rapports aux autres, ces nouvelles réalistes sans drames et sans cris mais non sans émotions ni humour se conjuguent dans une tonalité bienveillante et se tiennent dans un parfait équilibre entre ombre et lumière, souffrance et joie. Lire ces nouvelles dans l’ordre ou le désordre mais de façon fractionnée me semble préférable à la lecture d’une traite pour profiter au mieux de la finesse et la subtilité de ce recueil à la cohérence exemplaire. Dominique Baillon-Lalande (22/03/21) |
Sommaire Lectures Quadrature 110 pages - 16 € Version numérique 9,99 €
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