Professionnellement, David cherche les bugs dans les programmes informatiques et pianote toute la journée sur son ordinateur. Rien d’exceptionnel dans cette douleur au poignet gauche quand on connaît « la forte proportion, en français comme en anglais, des a, des e et des s, tous concentrés dans la partie gauche du clavier ». Ce qui l’étonne le plus et le perturbe, c’est que rien ne peut éliminer cette douleur. Généraliste et radiologue, pommades et bandages serrés, rien n’y fait. Le vieux médecin de famille évoque la piste psychosomatique, ce qui a le don d’irriter le jeune matérialiste. « Psychosomatique, tu parles ! Comme s’il avait une âme capable de parler à son corps ! »

Il décide de consulter un rhumatologue, spécialiste de la main, en trouve un (non conventionné mais ses moyens le lui permettent) et obtient un rendez-vous. C’est là qu’il va entendre parler pour la première fois de son « jumeau lombard », selon une légende médiévale, un homme qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau et qui est venu consulter pour une douleur au poignet droit. Un jumeau en miroir. Le dossier est encore sur le bureau du médecin avec le nom du patient, Antoine Germain et une adresse à Paris. Cet homme est revenu le voir pour régler des honoraires et semblait guéri mais le praticien avoue qu’il n’y est pour rien et que de soi-disant « médecines alternatives » y sont parvenues…

Après des semaines de souffrance, David est prêt à tout pour renouer avec le calme et la sérénité de sa petite existence sans douleur. Il faut absolument qu’il retrouve son « jumeau » et obtienne la recette du remède miracle. Il commence par l’adresse parisienne qui figurait sur le dossier mais Antoine Germain n’y est pas. David y rencontre une famille étrange et hérite d’un petit singe qui s’accroche à lui et le suivra au fil de sa quête. Il est persuadé de pouvoir retrouver son jumeau grâce à des indices qui le mènent d’un lieu à l’autre, en Belgique et en France.

C’est au cours de son périple qu’il rencontre les adeptes de la théorie du « Nouvel An cannibale » qui donne son titre au roman. « Régulièrement, mais de plus en plus tôt, une ONG dont les calculs sont tout aussi régulièrement contestés fixe le jour où la planète a épuisé les ressources renouvelables en douze mois. Cette année, ce sera le 29 juillet. Nous aurons alors consommé tous les poissons, toutes les céréales, tous les légumes que la Terre est capable de produire en un an. Le 30, nous commencerons à vivre à crédit. » Ce 29 juillet est comme un rendez-vous fixé par Antoine à David et David est prêt à tout pour retrouver Antoine…

La poursuite prend des allures de jeu de piste où David doit déchiffrer les indices laissés par Antoine sans savoir où son « jumeau » veut l’emmener…
L’auteur, avec beaucoup d’érudition et d’humour, nous entraîne sur les traces de ses personnages au fil de nombreuses aventures, rencontres et épreuves de toutes sortes. Le Singe du Grand’Garde attaché à la façade de l’hôtel de ville de Mons en Belgique, l’abbaye Saint-Germain d’Auxerre, les miséricordes des stalles d’une abbatiale gothique perdue dans la forêt, autant de lieux où David doit déchiffrer les indices qui lui permettent de poursuivre son voyage initiatique. Tout en compatissant avec les souffrances et angoisses du héros, le lecteur ne peut s’empêcher de prendre du plaisir à cette balade littéraire drôle et enrichissante que vient clore, en fin d’ouvrage, une bibliographie intitulée Voyage dans la fiction qui fournit les références des légendes et ouvrages utilisés. Encore une belle réussite de Jean Claude Bologne qui nous fait réfléchir à la fois sur la condition humaine et l’avenir de la planète, nouvelle preuve que la fiction peut nous enrichir l’esprit et nous inciter à modifier nos comportements autant que bien des essais.

Serge Cabrol 
(16/06/21)