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Jean-Louis COATRIEUX


Le rêve d'Alejo Carpentier
Orinoco



Avec Le rêve d'Alejo Carpentier - Coabana - publié en 2019, Jean-Louis Coatrieux nous avait fait découvrir les multiples facettes du talent du grand écrivain cubain : la littérature bien sûr, mais aussi sa pratique du cinéma, de la radio, de la musique... Nous avions assisté à son évasion des prisons cubaines grâce à Robert Desnos, à ses multiples rencontres avec des artistes fréquentant le Paris des années Montparnasse (Breton, Picasso, Leiris, Masson, Hemingway...). Et puis la guerre et son retour à Cuba.
Avec Le rêve d'Alejo Carpentier - Orinoco - nous poursuivons l'aventure d'Alejo depuis son exil volontaire au Venezuela en 1945 jusqu’à son retour à Cuba après la chute du dictateur Batista et les premières années de la révolution castriste en 1959.
Il fallait toute la virtuosité et l'érudition de Jean-Louis Coatrieux pour restituer avec autant de justesse 'l'âme' d'Alejo Carpentier. Ni biographie, ni essai ce livre est en fait une composition musicale et cinématographique. Phrases courtes, saillantes d'où surgit immédiatement un paysage, un visage, une rue et où le chef d’orchestre fait tour à tour vibrer chacun des sentiments de l'artiste, ses doutes, ses détestations, ses engagements, ses bonheurs, bref tous les ingrédients de la création.
Ainsi, pendant quinze ans nous accompagnons pas à pas Alejo au Venezuela. Nous serons plongés au cœur de la vie politique de cette époque avec le perpétuel grondement tragique de l'armée mais nous serons aussi chaque jour dans les rues avec les gens du peuple, avec leurs chansons, leur misère et aussi leurs espoirs. Nous verrons surgir la 'modernité' et son étalage de luxe de pacotille, la publicité et la vacuité de ses slogans "Nous pensons pour vous". Nous irons aussi sur le fleuve Orénoque à la rencontre des Yekuanas et leur art du tissage : "Aucun doute, l'abstrait ne côtoyait pas seulement le figuratif dans tous ces objets, il le rendait vivant". Belle occasion pour l'auteur de nous parler de Popol Vuh* et des mythes de la civilisation Maya !  Nous serons aussi invités à la table d'Alejo aux côtés de José Bergamin**, de Miguel Angel Asturias*** et de bien d'autres. Nous rencontrerons Carlos Cruz-Diez et Jesus-Rafael Soto, deux grands peintres vénézuéliens de l'art cinétique.  Nous aurons des nouvelles de Diego Rivera et de Wilfredo Lam et bien sûr de Heitor Villa-Lobos... Autant de réflexions sur les arts, autant de rencontres et d'expériences au cœur des cultures amérindiennes et caribéennes qui vont nourrir son œuvre : Le Royaume de ce monde, Le partage des eaux, La chasse à l'Homme (El Acoso). C'est dans ce contexte que va naître son idée de "réel merveilleux" qui aura une influence considérable chez nombre d'écrivains d'Amérique latine.
Nous le quittons au moment où – après le triomphe de la révolution cubaine – il est appelé à Cuba avec Nicolas Guillén**** à de hautes fonctions dans le domaine de la culture.
Une autre réussite de ce livre, c'est l'idée d'écrire le journal d'Alejo. Habilement, Jean-Louis Coatrieux se glisse sous la plume de l'écrivain cubain et, pour le plus grand plaisir du lecteur, "actualise" avec facétie ses réflexions intimes (petit bonheur posthume pour Alejo !) : Journal 2 - Zola seul pouvait écrire "J'accuse". Aujourd'hui, cent écrivains signant manchettes et tribunes ne pèsent pas le poids de leur plume. [...] Nos grands prêtres de la culture, de l'information et des textes sacrés se prennent pour un nouveau clergé médiatique. Bien ou mal, vrai ou faux, tout est livré à domicile avec le mode d'emploi. Comment ne pas les envoyer au diable quand ils ajoutent en postillonnant "qu'il n'y a pas d'alternative".
Orinoco, un beau livre, parfois érudit mais jamais pédant. Un livre qui invite à découvrir les écrivains, peintres, musiciens, compagnons de route d'Alejo Carpentier qui ont comme lui, dit la liberté et sont malheureusement trop peu connus en France.

Yves Dutier 
(18/02/21)    

* Popol Vuh : Texte mythologique maya rédigé à l'époque coloniale. C'est le document le plus important dont nous disposons sur les mythes de la civilisation Maya,
** José Bergamin : Ecrivain et poète espagnol (1895 - 1983) Durant la guerre civile, Bergamin présida l'Alliance des intellectuels antifascistes, et fut nommé conseiller culturel à l'ambassade espagnole à Paris où il s'employa à rechercher des appuis moraux et financiers pour la jeune République. Il y noua une amitié avec François Mauriac, André Malraux, Jacques Maritain.
*** Miguel Angel Asturias : Poète, écrivain et diplomate guatémaltèque (1899 - 1974). Prix Nobel de littérature en 1967.
**** Nicolas Guillén : Poète Cubain (1902 - 1989)



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Lectures









Jean-Louis  COATRIEUX, Le rêve d'Alejo  Carpentier
Apogée
(Février 2021)
300 pages - 20 €










Jean-Louis Coatrieux,
né en 1946 à Saint-Denis, enseignant-chercheur et spécialiste de l’imagerie numérique médicale, a publié de nombreux essais, romans, nouvelles et recueils de poésie.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia



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