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Catherine DABADIE


Mauvais sang


Giacomo Galliprano, 13 ans, est le fils du chef mafieux d’un petit village du Sud de l’Italie. Il jouit du respect dû aux membres de sa famille. Respect bâti sur la peur. Le code de l’honneur consiste surtout à obéir et être obéi, respecter les règles imposées par la force. Gare à ceux qui refusent de plier, qui voudraient se soustraire à la protection obligatoire chèrement monnayée.

Son grand-père, son père et son oncle Riccardo sont durs et intransigeants. Giacomo est l’avenir de la famille. C’est lui qui, un jour, sera le chef de la mafia locale. Cela exige un respect scrupuleux des règles et des codes. L’héritage est lourd sur les épaules d’un jeune garçon. D’autant plus que son père est en prison depuis deux ans et pour pas mal de temps.

Sa mère supporte mal cette vie de violence et le respect de ces règles patriarcales archaïques. Elle ne veut pas que son fils soit entraîné par l’engrenage maléfique comme son mari l’a été. Elle est prête à tout pour le sauver.

C’est une opération de racket qui va faire basculer la vie de Giacomo. Avec son oncle Riccardo, le frère de son père, ils forment une bonne équipe. Personne n’ose résister aux extorsions de fonds par crainte des représailles. La voiture qui brûle, la boutique qui explose ou pire encore. Mais ce jour-là, ça dérape. Le commerçant ne veut pas payer. Il a besoin de son argent pour envoyer sa fille à l’université. Riccardo n’est pas du genre sensible. Il s’empare de l’argent et abandonne le commerçant récalcitrant dans une mare de sang. Giacomo suit son oncle mais rien n’est plus comme avant.
« C'était comme dans la commedia dell'arte de mon enfance, quand l'acteur changeait de masque en coulisse et, après avoir été Colombine, se transformait en Scaramouche. Riccardo avait cessé d'être mon oncle et me montrait le visage du criminel. »

Alors que Riccardo a disparu dans les collines, Giacomo est arrêté, jugé, condamné, emprisonné.
Grâce à sa mère, et à un juge compréhensif, compte tenu de son âge, sa peine va être commuée en une mesure d’éloignement. Sous un nom d’emprunt, il va devoir vivre dans une famille d’accueil au nord de l’Italie.
« – Une famille d'accueil ? Mais n'importe quoi, j'ai déjà une famille, moi !
Je me suis redressé sur mon fauteuil, inquiet. La conversation commençait à prendre une tournure qui ne me plaisait pas.
– La tienne est liée au crime organisé. Elle exerce sur toi une mauvaise influence éducative, on pense qu'il faut t'extraire de ton milieu pour te donner un futur […]
Ta famille t'apprend la violence, le mépris des règles, de la justice. Elle veut te persuader que la seule loi qui compte, c'est celle de la mafia. Elle t'endoctrine. »
Giacomo veut refuser mais sa mère ne lui laisse pas le choix. S’il refuse, elle dit au juge tout ce qu’elle sait sur les « affaires » de la famille, le rôle du grand-père et l’endroit où se cache Riccardo.
« – T'oseras jamais parler, parce qu'ils te tueront, tu le sais bien !
Elle n'a pas répondu. Soudain, j'ai compris. Elle était prête à tout, même à payer de sa vie. Elle ne me laissait pas le choix : pour la sauver, je devais m'exiler.
– C'est du chantage ! j'ai lancé, furieux. »

Furieux et contre son gré, il se retrouve à des centaines de kilomètres dans une étrange famille d’accueil. C’est une exploitation viticole dirigée par une amie du juge où les employées sont aussi des femmes. Voilà le jeune mafieux plongé dans un gynécée. Pas de quoi le réjouir. Et cerise sur le tonneau, le collège est obligatoire.
Il n’accepte pas tout ça avec bonne humeur et marche dans la campagne environnante pour laisser libre cours à sa colère.  C’est là qu’il rencontre Livia, l’amour et le théâtre…

Tout pourrait être pour le mieux dans le meilleur des mondes mais la famille mafieuse n’a pas dit son dernier mot !

Voilà un roman vif et entraînant, où des sentiments très forts animent les personnages : soumission, peur, révolte, violence, amour, haine, vengeance… Et un ado perdu au milieu de tout ça.
Une belle occasion de réfléchir aux valeurs qu’on veut défendre et aux voies qu’on choisit, surtout si l’on croit être programmé et n’avoir aucun choix. Lire un livre passionnant, être remué par des émotions fortes, être amené à réfléchir, voilà de quoi continuer à croire au rôle essentiel de la littérature.

Serge Cabrol 
(24/02/21)    



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Jeunesse







Actes Sud Junior

(Janvier 2021)
192 pages - 14,50 €













Catherine Dabadie
est journaliste. Mauvais sang est son deuxième roman pour la jeunesse.