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Vingt-quatre heures dans les rues de Charleroi avec un couple de toxicomanes d’une vingtaine d’années en recherche permanente des doses suivantes et de l’argent pour se les procurer. Rien d’autre ne compte pour eux tant ils sont devenus dépendants. Pour en arriver là, Nadia et Arnaud n’ont pas eu le même parcours. Au fil des chapitres, on découvre le passé de chacun, les circonstances de leur première prise de drogue, puis les étapes de leur descente aux enfers jusqu’à se retrouver dans la rue, mais aussi de leur rencontre qui leur permet depuis six mois de ne plus se sentir aussi seuls même s’il n’est pas vraiment question d’amour d’entre eux. Ils se protègent mutuellement mais sont prêts à s’entretuer pour une dose d’héroïne, sous l’effet du manque ou des hallucinations liées à la défonce. Nadia a vécu une enfance et une adolescence dramatiques entre un beau-père pervers et une mère complaisante. Seul son frère l’a soutenue tant qu’il a pu jusqu’à ce que la charge soit trop lourde. Avant même d’entrer à l’université, elle a commencé à se droguer et s’endetter pour payer la coke. « À 18 ans, un type dont je ne sais toujours pas s’il est un salaud m’a offert de rembourser une dette avec mon cul et j’ai accepté. » Cette situation lui convenait. Elle gagnait beaucoup d’argent et la vie était une fête permanente. « Coke, sexe, pognon, la trilogie du bonheur. Avec un arrosage constant de whisky-Coca. » Jusqu’au jour où elle a commencé à sniffer de l’héroïne. La descente aux enfers a été très rapide. Arnaud vient d’un milieu plus stable, aimant et exigeant, mais lorsqu’il est entré à l’université, ses parents ont vendu leur imprimerie pour aller s’installer en Thaïlande où ils ont ouvert une chaîne de salons de massage. Les auteurs, tout en présentant la palette des produits disponibles sur le marché au fil des déambulations de Nadia et Arnaud, insistent sur la différence entre l’héroïne et les autres. « Avec l'héro, ton premier trip, c'est déjà l'achat. Tu rentres tout de suite dans le fangeux. La dégustation, c'est terminé, maintenant on bouffe. C'est fini ce cher Étienne qui vient t'apporter quatre ou cinq boulettes de blanche à domicile et qui se siffle un vin blanc avant de continuer sa route en 4x4. L'héro, tu vas l'acheter sous un pont, dans la rue ou dans une cuisine malpropre pendant que les gosses du dealer jouent avec des seringues dans le salon. » Cette journée avec Nadia et Arnaud, cette alternance de chapitres à la première personne, nous permet de découvrir tous les aspects de leur quotidien. La multiplicité des produits mais aussi des lieux, squats, institutions, prison ; la violence ; la honte ; les moyens de se procurer l’argent nécessaire ; les overdoses ; l’importance du chien : « Le chien du tox, c'est souvent son seul raccord à l'humanité. C'est son bébé, son enfant, son seul ami et parfois sa fidèle maîtresse. C'est le seul être dont il s'occupe encore vraiment et en retour le chien sera son protecteur la nuit dans le squat quand la peur du noir aura enfin laissé la place à la défonce. […] Moi, je n'aime pas les chiens. Je n'aime pas le noir non plus. J'aime la drogue mais je n'aime pas être un drogué. » Au-delà d’une fiction aux personnages émouvants et attachants, ce livre est un passionnant documentaire sur le quotidien des accros à l’héroïne et sur la difficulté pour la société de répondre efficacement aux problèmes complexes de la toxicomanie. Serge Cabrol (30/06/21) |
Sommaire Lectures Nouveau monde (Mai 2021) 280 pages - 18,90 € Saphir Essiaf a une formation d’éducateur spécialisé. Il partage aujourd’hui son temps entre son travail au sein de la cellule sdf de Charleroi et son école de Muay Thai. Il anime régulièrement des ateliers de gestion de la violence et intervient comme écrivain public auprès d’une population précarisée. Philippe Dylewski a une formation de psychologue clinicien. Ancien détective privé spécialisé dans la recherche de personnes disparues, il se consacre désormais à l’écriture. Il a notamment publié Confessions d’un privé (L’Express, 2010). (source éditeur) |
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