Retour à l'accueil du site | ||||||||
Un temps sur la première sélection du Prix Goncourt 2021, ce roman poignant semble avoir été oublié dans la grande distribution des prix de cette rentrée littéraire 2021 et on ne peut que le déplorer en raison de ses multiples qualités. Parmi celles-ci, une trame narrative originale en la description et l’analyse du combat héroïque des femmes kurdes contre Daech. En effet, si cette thématique fut évoquée en 2016, à travers le documentaire de Bernard-Henri Levy intitulé « Peshmerga », on en parle beaucoup moins aujourd’hui malgré sa triste actualité (Patrice Franceschi place son récit en 2019 tandis que l’AFP communique brièvement que deux Peshmergas ont été tués le 31/10/2021). Rappelons que Peshmerga signifie en persan : « qui est au-devant de la mort », définissant ainsi un combattant qui se battra jusqu’à la mort avec bravoure ; l’auteur les désigne ici sous les noms de « Yapaguès » pour les hommes et « Yapajas », pour les femmes. Tout au long de cette véritable épopée – il n’y a pas d’autre mot – se pose la question de la part fictionnelle dans un récit qui consigne des faits historiques réels. Dès lors le lecteur s’attache au destin de Tékotine et Gulistan, deux « sœurs d’armes » âgées d’environ quarante et vingt ans, inséparables depuis que la première, commandante d’une unité de Yapajas, a secouru la seconde gisant dans la mare de sang de sa famille sauvagement assassinée par les islamistes. L’auteur entretient une sorte de suspense sur les circonstances de la mort des deux femmes qui se trouvent isolées dans leur dernier combat, sachant que chaque Yapaja conserve sa dernière cartouche pour se suicider plutôt que de tomber aux mains de l’ennemi et que, dans leur cas désespéré, Gulistan avait égaré la sienne... Leur reste une cartouche pour deux ! Il y a, dans ce livre, un « effet miroir » qui amène le lecteur à se poser des questions sur ce que pourraient être ses propres capacités à réagir si sa liberté lui était ôtée et sur la phénoménale disproportion existant entre la souffrance des Kurdes et son confort à l’occidentale. Même passagère, cette salutaire prise de conscience fait qu’il n’est pas prêt d’oublier Tékotine, Gulistan ni leurs sœurs et frères d’armes... Le magnifique hommage que rend Patrice Franceschi aux femmes combattantes kurdes va droit au cœur, ce roman de la rentrée littéraire mérite vraiment d’être lu ! Dominique Godfard |
Sommaire Lectures Grasset (Août 2021) 240 pages - 19,50 € Version numérique 13,99 € Patrice Franceschi, aviateur et marin, partage sa vie entre écriture, aventures et engagements. Auteur d’une trentaine de livres, il a obtenu le prix Goncourt de la nouvelle pour Première personne du singulier. Bio-bibliographie sur Wikipédia |
||||||