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Emmanuel GUIBERT


Mike



« Le dessin, c’est l’école de la caresse. » Emmanuel Guibert écrit cette phrase à la presque fin de son récit, comme si elle était l’une des conclusions de sa traversée. Mais quelle est-elle cette traversée ? Que nous raconte Mike ? 
On pourrait dire que c’est l’histoire d’une amitié. On pourrait dire aussi que c’est l’histoire d’un dessinateur, Emmanuel Guibert lui-même, qui en rencontre un autre, Mike. On pourrait dire encore que c’est l’histoire d’un homme qui apprend la mort imminente d’un autre. On devrait dire que c’est tout cela à la fois.
De façon si naturelle et si sensible, Emmanuel Guibert nous parle en effet de ces jours qui précèdent puis suivent la mort d’un être cher mais il le fait en dessinateur, avec le sens de l’observation, à coup de phrases qui fusent comme des traits, disent des vérités humaines comme de simples croquis savent en révéler. Il nous apprend à regarder nous-mêmes ces jours marqués par la mort, à en observer, au-delà de la douleur, la douceur voire la beauté. Il semble au fond nous apprendre que dans toutes choses il y a de la vie si l’on sait se réjouir d’une fenêtre qui donne sur une branche et la branche sur un éclat de lumière.
C’est Mike, en grande partie, qui l’accompagne dans cette découverte. Mike qui jusqu’au presque dernier souffle tient son crayon pour dessiner. Lui, Emmanuel Guibert, venu le voir à sa demande, sera témoin de ces derniers gestes et ce sont eux, d’une certaine façon, qui paraissent lui avoir dicté ce livre. Comme s’il avait fallu faire de ces gestes des mots. Pour mieux les traduire ou, peut-être, mieux les retenir.
Ainsi, Mike est un éloge à l’art. L’art du dessin bien sûr, dont l’auteur décrit si bien les merveilles (celles d’une lithographie par exemple) ou les fragilités (celles qu’il y a à rendre compte d’un visage ou d’un talus). Mais surtout l’art de vivre, un art qui passe par l’art d’aimer. Toujours, dans ce récit, il sera question de cela : aimer. Avec Emmanuel Guibert, oui, on se dit qu’il n’y a plus de naïveté à croire que le secret de tout réside en l’amour.
On aime un ami, une femme aime un homme, un homme aime son métier et c’est la sens d’une vie qui s’éclaire. Rousseau, le philosophe poète pourtant souvent taxé de pessimisme, vient régulièrement étayer ce message. C’est un autre des bonheurs de ce récit d’ailleurs : redécouvrir Rousseau dans Les rêveries du promeneur solitaire. Des extraits entiers sont reproduits comme autant de méditations que le lecteur peut engager en même temps que l’auteur.
Mike est ainsi une promenade. Une promenade à faire absolument.  

Isabelle Rossignol 
(11/03/21)    



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Lectures








Gallimard

Collection Notabilia
(Janvier 2021)
272 pages - 20 €





Emmanuel Guibert,
né en 1964, dessinateur et scénariste, a publié de nombreux albums de bandes dessinées et obtenu plusieurs récompenses dont le Grand prix de la ville d'Angoulême en 2020.

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