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Thierry HESSE

Une vie cachée



Sur les deux guerres, celles que l’on dit grandes ou mondiales, il y aura toujours à dire et à apprendre. C’est comme si chaque village avait encore des secrets cachés dans ses caves ou comme si chaque famille en avait encore dans ses tiroirs.
La famille de Thierry Hesse en a. Un grand-père au nom qui n’était pas réellement son nom, un grand-père trop mutique, trop chargé du poids d’un silence que personne, de son vivant, n’a su ou voulu percer. Alors l’écrivain (autant que le petit-fils) ne pouvait que se décider à mener l’enquête.
Pourquoi l’a-t-il décidé ? Qu’est-ce qui déclenche un jour la volonté de savoir ? Que découvre-t-on en cherchant, en se mettant dans les pas du silence ? C’est ce que Thierry Hesse met dans son livre. Trouvera-t-il qui était son grand-père ? Le voudra-t-il au fond ? Plus qu’à des révélations, c’est ce trajet de questionnement qu’Une vie cachée propose et c’est très bien ainsi puisque la littérature est l’art de questionner.
C’est un trajet écrit à la première personne, où le narrateur est l’auteur, où l’on plonge dans le dedans d’un auteur et ses circonvulations personnelles et livresques. C’est un trajet que tout un chacun pourrait mener pour peu qu’il accepte de se tourner vers ses faces cachées.
C’est un trajet où l’on voyage aussi, où l’on voyage véritablement, passant d’une rue à une impasse, d’une ville à une forêt, d’un chêne à une demeure, d’un champ de mines à une croix sur la place d’un village. Un voyage qui transporte dans des régions que les guerres ont tant dévastées qu’elles sont aujourd’hui classées « communes mortes pour la France ».
C’est la Meuse, c’est la Moselle, c’est la Flandre, des coins où il pleut toujours des cordes. Beaucoup de pluie, oui, dans Une vie cachée. Comme si les secrets ne pouvaient qu’être mêlés à la boue.
Kafka et Claude Simon y trouvent également leur place. Kafka le taiseux et le mélancolique. Simon et son chef-d’œuvre L’acacia, dont Thierry Hesse se souvient si bien. Il fait même plus : il le fait revivre pour nous, dans des pages fantomatiques où Claude Simon surgit en cavalier. Rien que pour ces pages, il faut lire ce livre, ce trajet sur la mémoire.
À moins que ce ne soit sur l’oubli ? Car que serait le trajet sans l’oubli qui oblige à faire le trajet pour retrouver la mémoire ? Que serait l’histoire si nous ne voulions la faire sortir de l’oubli ? Thierry Hesse est l’homme qui ne veut pas oublier, qui ne veut plus oublier. Il veut vivre plus et en plus, à l’instar du soldat qui sait qu’il a réchappé à la mort.
Une vie cachée, c’est cela : un antidote à la mort.

Isabelle Rossignol 
(01/10/21)    



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Lectures







Thierry HESSE, Une vie cachée
L'Olivier

(Août 2021)
192 pages – 17 €






Thierry Hesse,
né à Metz en 1959, auteur de six romans, a obtenu le prix Robert Walser en 2004.


Bio-bibliographie
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