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Marin LEDUN


Leur âme au diable


            « Le Havre, 28 juillet 1986.
            « Les deux camions-citernes Renault G230 apparaissent à 2h02 sur la route départementale qui relie Harfleur à Gainneville. Ils sont chargés d’ammoniac liquide. […] Les assaillants extirpent les chauffeurs sans ménagement de leur siège et les tirent jusqu’au coffre de la Renault 9 dans lequel ils les enferment, puis ils prennent leur place au volant des camions-citernes.
            « Fin de l’épisode numéro un.
            «  Soulagé, le conducteur de la Lancia soupire. Il relève son masque en grognant.
            « Il s’appelle Anton Muller. Trente-deux ans, un mètre quatre-vingt-cinq, quatre-vingt-dix kilos, corps d’athlète, cheveux courts et regard bleu acier… »
            Anton Muller, c’est l’homme « à tout-faire-dans-l’ombre » de David Bartels, ancien chef de cabinet d’un ministre recyclé dans le conseil.

            « Paris, 12 septembre 1986.
            « David Bartels resserre le nœud de sa cravate et allume une cigarette.
            « Du fric, du fric, du fric. Comme s’il en pleuvait. L’année 1986 est à marquer d’une pierre blanche. Le chiffre d’affaires de la société de conseil qu’il dirige, Fox Reynolds Consulting, a explosé. Les commandes de son principal client, European G. Tabacco, la deuxième plus grosse société de tabac en Europe, sont à la hausse. L’avenir est radieux. Toutes les planètes sont alignées pour des bénéfices records.
            « La nomination de Jacques Chirac au poste de Premier ministre en mars dernier est une véritable bénédiction pour les affaires. Ce type est une publicité vivante pour le tabac. Il est pour la liberté d’entreprendre. Mitterrand et lui forment un duo de choc. Le yin et le yang, unis pour une même révolution en faveur de l’argent roi. »
            À Muller, le braquage, les enquêtes sur la vie privée et la contrebande, à Bartels le lobbying politique, les scientifiques achetés, le sponsoring et le réseau de prostituées.

            « Bordeaux, 17 septembre 1986.
            « Elle aperçoit le logo du ministère de l’Intérieur sur ses papiers. Elle saute sur le prétexte pour engager la conversation.
            « – Vous êtes policier ?
« Simon Nora referme son dossier. Il lui répond qu’il travaille pour la brigade financière de Nanterre. Il s’intéresse aux malversations d’un industriel européen dont il doit taire le nom. L’affaire est confidentielle. La femme écarquille les yeux. Elle est très impressionnée. Elle en fait des caisses. Elle sort un paquet de Dunhill mentholées de son sac à main et lui en propose une. Nora décline poliment. Il se détourne, rouvre son dossier et se plonge dans la biographie comptable passionnante des transporteurs d’ammoniac franco-hollandais. Il dort à poing fermé lorsque son train entre en gare Montparnasse, à 19 h 50. Le contrôleur le réveille. La femme a disparu. »
            Avenue du Maine c’est le chaos, une bombe a explosé chez Tati.

            « Beauvais, 13 novembre 1986.
            « Le téléviseur en sourdine dans un coin du salon. Le présentateur du JT d’Antenne 2, Claude Sérillon, affiche une mine catastrophée. Une hécatombe : Daniel Balavoine, le Front National à près de 10% aux législatives, Tchernobyl, Coluche, les attentats de Tati et d’Action directe, les bombes nucléaires de cinq et vingt kilotonnes déclenchées par la France les 10 et 12 novembre au fond de puits creusés dans le sous-sol de l’atoll de Mururoa, et aujourd’hui le comique vedette Thierry Le Luron.
            « Patrick Brun et ses amis du syndicat de police n’écoutent que d’une oreille et ressassent. Leur grand débat du jour, c’est la demi-finale ratée de la Coupe du monde. 25 juin 1986, la revanche de Séville n’a pas eu lieu. »
            Patrick Brun, inspecteur local, en enquêtant sur la disparition d’une fille majeure qui ne donne pas de nouvelles, va se retrouver sur l’affaire du braquage des camions citernes avec Simon Nora.

            « Luxembourg, 13 janvier 2003. » Le procès a lieu. C’est dix_sept ans d’enquête, en passant par le chantage, la contrebande et la prostitution, l’amour, la misère affective et les échanges en nature, l’actualité de ces années et la législation sur le tabac… Bref c’est un roman touffu qu’on lit d’une traite. Pardon comme il est gros, en deux traites.
            La quatrième de couverture ne ment pas, c’est LE polar sur le tabac.

Michel Lansade 
(08/12/21)    



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Noir & polar








Marin LEDUN, Leur âme au diable
Gallimard
Série Noire
(Mars 2021)
608 pages - 20 €

Version numérique
14,99 €









Marin Ledun,

né en 1975, a publié de nombreux livres et reçu plusieurs prix littéraires.




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