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Après l’écriture éprouvante d’un livre consacré à son pays d’origine, la Lybie, et à la disparition de son père dans les geôles de Kadhafi en 1990, l’auteur a l’impression de sortir d’un tunnel. « Il m'aura fallu trois ans pour l'écrire, et j'ai émergé de cette longue et intense période de travail comme on retrouve la lumière, en clignant des yeux. C'est alors que j'ai décidé d'aller à Sienne. » Au début, il pensait partir seul. « Sienne n'ayant pas d'aéroport, j'ai envisagé de prendre l'avion jusqu'à Florence, puis de faire à pied les quelque quatre-vingts kilomètres de coteaux de chianti restant. J'aimais l'idée de parcourir une grande distance à petits pas et d'entrer dans la ville par voie pédestre. » Un genou foulé une semaine avant le départ en a décidé autrement et Diana, son épouse, l’a accompagné pour le voyage et les deux premiers jours. C’est en autocar qu’ils ont parcouru le trajet de Florence à Sienne. Hisham Matar est passionné par l’art et s’est découvert en 1990, à Londres, « une mystérieuse fascination pour l'école siennoise de peinture qui se déployait sur les XIIIe, XIVe et XVe siècles. » Il va pouvoir ici s’adonner librement à sa passion et en faire largement profiter le lecteur. Après le départ de son épouse, Hisham Matar poursuit sa découverte de la ville. Sans but et sans hâte. Il bavarde avec une Nigériane qui patiente devant un ministère pour obtenir son passeport, il rencontre un Jordanien qui l’invite à dîner dans sa famille, il visite un cimetière hors des remparts de la ville où un banc lui offre une vue panoramique sur le paysage. Il suit des gens dans la rue. « Je me racontais que je m'adonnais à cette activité étrange et peu recommandable pour voir comment les gens du coin circulaient dans Sienne, pour avoir un aperçu de leur vie quotidienne, pour mettre mes pas, littéralement, dans les leurs. Mais la vérité était plus simple, plus physique qu'intellectuelle, une question de rythme plutôt que d'idées. Je voulais simplement, tel un tailleur de pierre affûtant son burin contre un bloc de roche brute, m'aiguiser contre la ville. » Il prend des cours d’italien le matin et visite les musées l’après-midi, notamment la Pinacothèque où il observe le travail des gardiennes. Il faut dire qu’il peut passer plusieurs heures voire plusieurs demi-journées devant le même tableau. Les gardiennes lui ont proposé une chaise pliante qu’il retrouve chaque jour en prenant son billet d’entrée. « Cela m’a rendu plus familier à leurs yeux, c’est-à-dire plus facile à ignorer. » Ce qui lui permet d’observer discrètement leurs habitudes et leurs attitudes quand il n’y a pas d’autres visiteurs ou gardiennes dans la salle. Évidemment, on ne peut pas être à Sienne et ignorer le Palio, ces courses de chevaux qui ont lieu le 2 juillet et le 16 août sur la place centrale de la ville, où toutes les « contrade » sont représentées et où tous les coups sont permis. « J'avais entendu parler des dix-sept contrade différentes, sortes de quartiers ou subdivisions administratives qui composent la ville, avec chacune son maire, son administration et son budget. » Mais c’est son nouvel ami jordanien qui lui explique comment ils ont été accueillis par leur « contrada », comment chaque enfant à sa naissance est promené dans tout le quartier et reçoit un certificat signé par le maire, assurant qu’on veillerait désormais sur lui et que, où qu’il aille, il serait toujours chez lui ici. L’auteur nous offre une passionnante visite de la ville, son présent et son passé, ses traditions et sa peinture, au fil de ses promenades, ses rencontres, ses visites et ses méditations. On en sort enrichi, avec l’envie de s’y replonger de temps à autre, pour retrouver l’analyse d’un tableau ou le récit d’un événement de son séjour. Une belle lecture pour promeneurs curieux au rythme de la marche et de la contemplation. Serge Cabrol (06/04/21) |
Sommaire Lectures ![]() Gallimard (Avril 2021) 144 pages - 14 € avec16 illustrations Version numérique 14,99 € Traduit de l'anglais par Sarah Gurcel
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